30 août 2005 à 21:26

Écrire

Écrire. Écrire des fragments d'échecs, de morceaux d'angoisse, des fragments de peines. Écrire des éclats de mon âme cassée, des cassures de mon âme éclatée. Écrire ce qui se passe en dedans de mon moi intérieur, prendre le temps de penser et de mettre des mots sur le trop plein d'idées, trop souvent sombres, qui surgissent de ma tête.

Écrire parce que j'ai le goût d'écrire, écrire parce que j'ai le goût de me concentrer, de jouer avec les mots, de jongler avec les concepts, d'entacher le papier de mes larmes d'encre, de le faire planer au sens figuré. J'ai le goût de créer.

Écrire parce que j'aime ça voir du papier blanc parsemé de tâches noires structurées devenir une émotion. Ou mille émotions.

Écrire pour l'écriture, écrire pour le résultat.

Écrire.
Écrire, encore.
Un billet signé Nicolas

27 août 2005 à 00:22

Désespoir, impuissance, épuisement

Ça ne m'a rien coûté. Elle ne répond plus à mes appels. Elle m'ignore, presque, et ce, même si on avait passé une belle soirée, même si elle m'avait dit qu'on se reverrait, même si ça me fait mal.

J'ai tout essayé. Je lui ai envoyé des courriels, je lui ai téléphoné, je l'ai contacté autant que possible, à la limite du harcellement. Sans réponse. Ça ne marchera jamais. Je n'y peux rien. Je suis épuisé.

Mais pourtant j'y mettrais encore de l'effort. Massivement. Pour sombrer dans l'acharnement? Non, pas moi. Je suis un passionné, pas un acharné. Je ne peux simplement pas mettre encore de l'effort sans y laisser une partie de mon honneur.

Je sens une petite rage qui naît en moi, petite rage typique qui naît en situation d'impuissance. Je connais cette rage, et je la déteste. Meurs, maudite pulsion! Je vais t'épuiser, petite rage.

Ce genre de peine là, il y a deux façons de ne pas y penser. L'alcool, et l'effort physique. Ce soir, ça va être la deuxième option.

Dix exercices bien précis, travaillant sur des muscles bien ciblés. Chaque exercice est divisé en quatre séries de huit à quinze répétitions d'un mouvement sur charge, charge qui augmente de façon progressive. De quoi tout oublier, dans un bain d'effort et de sueur. Une heure et demie de travail acharné, qui ne peut se résulter qu'en une concentration extrême et l'absence de pensées troubles. Un travail presque humainement impossible, sauf si on a une surdose d'énergie, surdose provenant d'une petite rage intérieure qui est née de désespoir et d'impuissance et qui mourra d'épuisement, dans ce cas-ci.

Je vais travailler comme un cheval. Après, inévitablement, je vais manger comme un boeuf. Je vais me laver, et je vais m'effondrer sur mon lit, dans un sommeil aussi lourd que mon épuisement.

Demain matin, quand je vais me lever, j'aurai mal partout. Et j'aurai aussi faim. L'endorphine envahira mon corps et mon cerveau. Je vais penser à manger et à minimiser la douleur physique. Je me dirai que ça faisait longtemps que je n'avais pas été aussi "racké", que ça fait du bien. Je me dirai que je me remets à l'entraînement, que j'avais eu une bonne idée la veille. Je me dirai toutes sortes de choses, toutes banales.

Mais surtout, je ne penserai plus à elle.
Un billet signé Nicolas

24 août 2005 à 18:56

Ça ne m’a rien coûté

Un souper en ville : 45 $
Une bonne bouteille de vin : 60 $
Parler avec elle en marchant : 2$ d'usure de soulier
La ramener chez elle en auto : 500 $ (L'essence est rendue chère)

Elle annule la soirée parce qu'elle a fatiguée. Ça n'a pas de prix.

Il y a des choses qui ne s'achètent pas. Pour tout le reste je me fous éperduement du prix.
Un billet signé Nicolas

23 août 2005 à 23:21

Petit à petit, mes
peurs récurentes se concrétisent.
Douleur à venir.

Sombres mots à venir aussi.
Un billet signé Nicolas

21 août 2005 à 19:17

Mon devoir

Grande blonde, assise en diagonale de moi. J'écris parce que je ne sais pas dessiner. Un de mes passe-temps : écrire des portraits de femme en salle de pause, leur faire un petit hommage sans qu'elles ne le sachent.

La tête penchée, l'expression concentrée. Elle lit le Devoir - mon Devoir, je l'ai acheté hier avant de le déposer dans cette salle de pause - parce qu'il n'y a rien d'autre. Ses grands yeux bleus se promènent de gauche à droite, aussi rapidement qu'elle lit. Je devrais lui parler. Je devrais attirer son attention par mes mots, ne serait-ce que pour regarder ses grands yeux bleus regarder les miens. Mais elle lit le Devoir - mon Devoir - et c'est tout comme.

Des mots captivants, qui lui prennent ses yeux.

Même si ce n'est pas moi qui est l'auteur de ces mots, c'est moi qui a acheté le Devoir - mon Devoir. C'est moi qui a choisi ces mots, au fond. C'est tout comme.

Mon Devoir, fais ce que je dois.
Un billet signé Nicolas

19 août 2005 à 22:26

Célébrez les saveurs!

Populaces incultes, réveillez-vous! J'accepte que vous ne vous questionnez-pas, j'accepte avec difficulté que vous ne vous informiez pas que vous votiez encore pour un parti à cause de son image et non de ses intentions. J'accepte que vous vous disiez heureux dans vos petites vies simples, que vous disiez que vous profitez de la vie sans vous préoccuper de problèmes envers lesquels vous n'y pouvez rien de toute façon. C'est réprochable, mais compréhensible.

Mais aprenez à célébrez les saveurs! Goûtez à tout ce que la vie offre! Pourquoi aller toujours dans le même fast-food auquel vous vous êtes habitués? Pourquoi toujours écouter la même station de radio commerciale? Pourquoi boire toujours les même bières? Pourquoi faire toujours les même maudites affaires, au fond?

Tous, oui même vous, même si vous vous dîtes que vous êtes destinés à un petit pain, à votre petit chemin tracé, découvrez-vous. Vous avez tous un talent propre, une façon unique de faire quelque chose à votre façon. Écrivez, chantez, faîtes la cuisine, jouez du tam-tam, racontez vos histoires, dessinez, mais faîtes-le! Même si vous le faîtes moins bien que d'autres, même si ne croyez-pas avoir le talent, faîtes le! Vous aurez votre façon de le faire, vous aurez votre saveur personnelle.

Vous savez c'est quoi, une saveur. Ça ne se décrit pas.

- Ça goûte quoi?
- C'est dur à décrire. Faudrait que tu y goûtes.

En ce moment, si vous détruisez vos routines, si, une fois par jour, vous écoutez une nouvelle musique, vous goûtez le plat d'un nouveau cuisinier, vous lisez les textes d'un nouvel auteur, vous écoutez un nouveau film (nouveau dans le sens pas vraiment holliwoodien), vous essayez une nouvelle bière, et bien, vous allez être surpris des saveurs que le monde offre! Et vous ne viendrez même pas à bout des saveurs de notre petite province dans votre longue vie. Et ce, même s'il existe peu d'artisans, parce que vous n'avez pas encore compris qu'on est tous un artisan.

Notre province est constituée du millième de la population modiale. Et notre planète est en constante évolution. Même si vous étiez un boudhiste avec des milliards de vies, vous ne viendrez pas à bout de toutes nos saveur. De toutes vos saveurs. Découvrez-vous! Laissez les autres vous découvrir! Découvrez les autres!

Célébrez les saveurs, et nous inventerons une société heureuse!
Un billet signé Nicolas

17 août 2005 à 23:13

Mes peurs récurentes à moi

Un café, une bière, un verre de vin blanc, une bonne marche, un tour d’auto, une longue conversation, peu importe. Il y a une relation qui naît, petit à petit, par fragments de sourires ou de phrases, par clin d’oeils ou fou rires, par rêves ou réalité. Peu importe. Il se passe quelque chose, c’est beau. Et quand c’est beau il y a comme un sentiment de bien-être qui s’installe, comme un confort paresseux. C’est beau, pas besoin de rien changer.

Mais la vie est mouvement. Il faut que ça bouge. Il faut que ça évolue. Et si les choses évoluent, les choses changent. Et c’est à ce moment que la peur naît, pas trop longtemps après la naissance de la relation. La peur que ça ne dure pas, la peur que ça finisse mal.

C’est là que je me retrouve en ce moment. Et dans mon petit cas personnel, dans ce petit monde personnel qui est une interprétation de la réalité par ma petite tête, les peurs se multiplient.

J’ai peur que ça soit déjà fini. J’ai peur d’être le seul à ressentir la naissance d’une relation, peur qu’elle décide de m’éviter, ou encore pire, de m’ignorer. J’ai peur de m’être planté royalement les fois où je l’ai vu, peur de ne pas avoir droit à une autre chance si c’est le cas.

J’ai peur, que, à cause de ma vulnérabilité d’homme, à cause de mes sentiments ou de mes hormones, je finisse par en faire une obsession. J’ai peur que ça finisse mal, que ça finisse par un moi qui décide de l’éviter pour éviter la douleur. J’ai peur de moi-même et de ce que je peux ressentir, au fond.

J’ai peur qu’elle change. J’ai peur qu’elle change trop avec le temps, et son érosion sur l’âme humaine, avec les gars qu’elle va rencontrer, avec les voyages qu’elle fera. J’ai peur d’un jour où je ne la reconnaîtrais plus, d’un jour où je prendrais la décision ou de l’éviter, ou, encore pire, de l’ignorer.

J’ai peur de toutes sortes de choses. J’ai peur, et c’est à cause de la douleur. On a toujours mal une première fois avant d’avoir peur. On n’a pas peur quand on ne connaît pas la douleur. Mais avec le temps, avec l’érosion du temps sur mon être, j’ai appris à avoir mal, à vouloir éviter la douleur, à avoir peur.

Je suis un être qui fonctionne par peurs. J’ai depuis trop longtemps appris à ne fonctionner qu’en fonction de mes peurs, qu’en fonction de mon instinct de survie qui me demande d’éviter la douleur.

Au dessus de tout, il reste encore une peur, une peur qui peut me motiver à avancer encore, à accepter que les choses changent et évoluent, pour le meilleur ou pour le pire. Il me reste un énoncé, une façon de voir les choses, qui fait que je ne suis pas actuellement au beau milieu de mon salon, en petite boule sur le tapis, en attendant que la mort arrive.

Ma plus grande peur est celle de ne pas vaincre mes peurs.
Et la vie continue.
Un billet signé Nicolas

15 août 2005 à 22:26

La messagère

Bière de riz et de sarasin. L’orge de blé a été remplacé par de le sarrasin, ça en fait une bière sans gluten. Une bière bio. Avec du goût.

Quand je l’ai vu la première fois, j’ai fait « … ». En fait, je suis resté bouche bée. La bouche ouverte, prête à émettre un son, mais il manquait quelque chose. Peut-être le mot exact, peut-être juste du souffle. Mais elle était tout simplement « … ».

C’était juste une belle fille au début. Il n’y avait pas d’amour, j’en étais conscient, c’était purement de l’attirance, c’était purement de l’apparence, c’était purement sexuel. Mais bon, il fallait que je fasse mon mâle. Il fallait que j’aille lui parler, que j’aille la faire rire, pour qu’elle revienne me voir. Mais là encore c’était juste un jeu, juste de l’attirance, juste de l’apparence.

À force de jouer je finis par la connaître. Elle se montre intelligente, douée, sensible, complice. Et le reste commence à avoir moins d’importance. Le travail, les études, les amis, tout le reste au fond, commencent à sembler fade par comparaison. L’important c’est elle. Mais ça ne peut pas être de l’amour. Moi ça, en amour avec elle, une fille juste trop « … » ? Les gens me diraient stupide.

Mais le jeu continue, et elle finit par prendre toute la place. Je me dis que peu importe ce que le travail, les études ou les amis me demandent, elle compte pour plus. Maintenant c’est elle ma vie. Sauf qu’un moment donné, dans une trop belle soirée trop bien arrosée, je lui ai tout dit, et elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas s’engager et qu’elle préférait qu’on reste ami.

Après je suis retourné au travail, à l’école, chez les amis, mais tout semblait fade. C’était elle, ma vie. Le reste, ce n’était rien. Et j’ai l’impression de ne plus avancer, de tout faire pour rien. C’était elle.

Alors j’ai mal, en silence, dans mon salon. J’ai une bière dans ma main, la Messagère, c’est une bière de riz et de sarasin. Une bière avec du goût, parce que ma vie en a plus, parce que ma vie est rendue morne et dénuée de sens.

Et j’ai mal, mais pas trop. Je n’ai pas peur, je n’ai pas de grands problèmes non plus. Le travail, les études et les amis vont bien. Sauf que ça n’a plus de sens.

Et pour me consoler ou simplement parce que j’en ai besoin, je me demande si c’était de l’amour. La seule chose dont je suis totalement sur, c’est que ce n’est pas ça l’amour. L’amour, ce n’est pas être assis tout seul dans son salon à se dire que la vie n’a plus de sens. Et au fond, je me dis que logiquement, ça devrait être l’inverse. L’amour, ça devrait être quand tout prend un sens.

Alors je te dis merci, Messagère.
Un billet signé Nicolas

13 août 2005 à 21:32

La théorie de la corde de guitare

Le théoricien est un homme bien particulier. Pour un homme et pour un théoricien. Même s’il est un homme et un théoricien, il n’est que l’un à la fois. Hier, au nombre de bières qu’il avait bu, c’était le théoricien.

Il a la tête penchée et un regard concentré. Ses doigts qui caressent sa guitare, sa guitare qui gémit, et lui qui la caresse plus intensément. Il est en transe. Il fait l’amour à sa guitare, ça ne peut qu’être beau.

Après un long moment, il dépose sa guitare. Tous arrêtent de parler, pour se demander ce qui peut bien le sortir de sa transe.

« Mes amis, commence-t-il d’une voix douce et puissante, laissez-moi vous expliquer la théorie de la membrane. »

Alors le théoricien commence. Il explique que selon la physique quantique, tout est onde. L’univers serait une seule onde, et ce qu’on en voit n’en serait que l’interprétation. C’est comme si tout ce qui existait était une corde de guitare infinie, qui vibre en permanence, qui d’elle seule ferait vivre une musique qui serait en fait la perception actuelle des chose. Il nous expose que le pouvoir de chacun sur la corde de guitare universelle est illimité, et que quiconque qui a assez de contrôle de soi peut contrôler l’onde, et donc tout ce qu’il l’entoure. Il prétend avoir assez de contrôle sur la membrane pour avoir réussi à éradiquer son instinct de lui-même, à éliminer toute la douleur qu’il ressentait, et qu’il était absolument, et ce, en tout temps, heureux.

Et là, je m’interpose.

« Permets-moi de t’interrompre, ô, grand théoricien, mais pourquoi espérais-tu tant, il y a quelques semaines, conquérir la cœur de la jeune demoiselle qui est aujourd’hui ta compagne ? »

« Parce que je crois qu’elle peut m’apporter quelque chose », qu’il me répond sur le même ton calme du parfait conteur qu’il est.

« Mais si tu n’as plus d’instinct et que tu es parfaitement heureux, tu n’as point besoin d’une femme, puisque ta soif de bonheur est totalement satisfaite. »

Visiblement coincé, mon conteur théoricien ne perd pas une seconde. En un éclair, il est debout sur la table, ses yeux dans les miens, son doigt qui pointe mon visage avec répugnance. L’image est parfaite. Sur le ton d’un Hitler en plein discours électoral, il me répond avec puissance et conviction.

« Tu ne sais pas de quoi tu parles! Tu dis ça parce que ton enseignement t’a donné une définition du bonheur, parce que ton père, ta mère, te l’ont appris, alors que ce n’est pas ça! Tu ne pourras comprendre que quand tu auras assez souffert pour avoir la force de contrôler la membrane! »

Je reste assis dans mon siège, bien calme. Je prends une pose, parfaite. Et je lui réponds.

« Si tu décides de m’instruire aujourd’hui, c’est parce que tu veux m’aider, et c’est parce qu’au fond tu as une raison de la faire, sinon tu ne le ferais pas. Donc, il te reste encore quelque chose qui te fais avancer, survivre, et c’est ton instinct. »

Lui ne perd pas une seconde. Du haut de sa table, en regardant yeux dans les yeux chaque membre de son auditoire avant de retourner aux miens, il s’exclame : « Foutèse! Je ne procède pas par instinct, mais par respect! Si je te raconte cela en ce moment, c’est parce que je te respecte, parce je sais que l’acquisition de ce savoir te sera utile un jour, et que tu me seras utile un jour ».

« Bref, c’est pour mieux manipuler la fameuse membrane d’onde si tu me fais don de ta connaissance ? »

Il se rassoit sur son siège. Prend sa guitare dans ses mains. Descend la tête vers la guitare, place ses mains sur les cordes. Il prend une pause, immobile. Et il échappe un murmure audible.

« Oui. » Puis, il se remet à jouer.
Un billet signé Nicolas

09 août 2005 à 23:40

Dis-moi pourquoi

Extrait d'un petit projet d'écriture en cours.

Pourquoi il fait toujours soleil quand t’es là?
Pourquoi il y a toujours de la belle musique quand t’es là?
Pourquoi personne n’est jamais méchant, pourquoi tout est toujours si parfait, pourquoi l’air sent bon quand t’es là?
Pourquoi la planète semble si jolie?
Pourquoi le temps s’arrête?
Pourquoi le reste ne compte plus quand t’es là?
Pourquoi, dis-moi, pourquoi tout devient si simple.
Dis-moi pourquoi j’ai le goût de faire un trip d’auto ou juste de partir avec toi, n’importe où, quand t’es là?
Dis-moi, pourquoi, je suis toujours heureux quand t’es là?
Et pourquoi, oui pourquoi, t’es toujours si souriante, toujours si vivante, toujours si magnifique?
Et au fond, pourquoi t’as l’air de sentir la même chose que moi, pourquoi t’as l’air aussi heureuse?
Mais surtout, dis-moi pourquoi, si tout est si beau, si tout est si magique, si la vie est si parfaite, dis-moi pourquoi tu pars toujours si vite?
Un billet signé Nicolas

07 août 2005 à 18:53

Le protocole

Quand on veut bien paraître dans un autre pays, il y a des traditions bien précises à connaître. Quand on veut apprivoiser un animal, il y a toujours une série de chose à faire dans un ordre spécifique. C'est la même chose pour moi. Si vous voulez me faire parler, me connaître comme je suis dans mes textes, il y a un protocole bien précis. Parce que sinon, je reste un être assez renfermé.

Tout d'abord, vous devez m'aborder le soir. Je suis de cette espèce nocturne qui vit bien la nuit.

Attendez que je me retrouve seul, ou du moins silencieux. Il ne faut pas me déranger en conversation ou dans une activité qui me demande de l'attention. Parfois, ça m'irrite.

Ensuite, assisez vous devant moi, et offrez-moi une bière. Une vraie, quelque chose de qualité. Et prenez-en une aussi. La même chose. Par exemple, si vous êtes dans un bar, vous prenez un ton sérieux et vous demandez "Deux griffons rousses, s'il-vous-plaît". Et si vous êtes chez vous, vous sortez deux griffons rousses (c'est un exemple, il n'est pas nécessaire que ce soit une griffon rousse) de votre frigo, et vous les versez dans des verres à bière.

Et tant que je n'ai pas bu, vous ne buvez pas, vous ne parlez pas. Vous devez garder votre sérieux, sauf si vous êtes une demoiselle. Alors, vous pouvez me faire un petit sourire amusé, mais ça, c'est une autre histoire...

Tant que je n'ai pas bu, ça veut dire que je ne suis pas prêt. Si vous buvez avant moi, vous brûlez une étape, et tout le travail accompli devient inutile. C'est une phase très cruciale.

Quand j'ai pris une gorgée, vous en prenez une aussi, vous me fixez dans les yeux, et là vous posez une question. N'importe laquelle. Et ma réponse devrait sonner comme un de mes textes.
Un billet signé Nicolas

05 août 2005 à 23:09

Nicolas

Je m’appelle Nicolas. J’ai quatre ans. Tantôt, mon papa m’a fait très mal.

Des fois, quand je fais des mauvais coups, comme quand j’ai cassé le truc de parfum à maman, il me donne la fessée. Mais j’ai compris, il faut juste que je sois sage, que je reste dans mon coin tranquille, et je ne reçois jamais de punitions.

Tantôt, je me suis fait mal. J’avais tellement mal que je pleurais, comme quand il me donne la fessée. Papa est venu me voir et il m’a dit d’arrêter de pleurer. J’ai essayé, mais j’avais peur de ne pas réussir, et la peur ça me fait pleurer, alors je n’ai pas réussi.

Il m’a donné un coup sur la main. Un coup très très fort, je n’avais jamais eu aussi mal. Alors j’ai arrêté de pleurer, je l’ai regardé et je lui ai dit, en reniflant encore un peu :
« Celle là elle a fait vraiment mal ».

Mon père a reculé sa main. Il est resté debout longtemps sans bouger. Il était bizarre. Il avait l’air d’essayer de comprendre quelque chose de compliqué. Moi je ne disais rien, parce que j’avais trop peur. Et il m’a dit, d’un ton gentil « Tu sais Nicolas, t’es la personne que j’aime le plus au monde, et jamais je ne voudrais te faire mal. Je suis tellement fier de toi. C’est la dernière fois que je te frappe, promis. »

Alors il est partit dans sa chambre. Ma mère lui a dit « Pierre, qu’est-ce que t’as ? », mais il n’a pas répondu, il est allé vite dans sa chambre et il a fermé la porte.

J’aime pas ça quand mon père me frappe, mais au fond c’est parce que je le mérite. Mon papa c’est le meilleur papa au monde.

Et que la vie continue.


J’ai onze ans. Je ne sais pas trop comment c’est arrivé, mon père s’est mis à me parler sérieusement. Il m’a raconté son enfance à fort Chambly, l’enfance de son père, de toutes les épreuves qu’ils ont passés.

Je ne sais pas trop comment, mais il a fini par me parler de quand j’étais jeune. Il m’a parlé des rares fois où il m’a puni par la violence, il s’est excusé. Il avait les larmes aux yeux. Je ne sais pas pourquoi, mais moi je ne m’en rappelle plus, sauf que quand il m’en parle, j’ai comme une drôle d’impression, et j’ai une boule dans la gorge, et je sens que je suis triste. Et j’ai quelques vagues souvenirs, mais on dirait que chaque fois que j’essaie d’y penser, ils deviennent moins précis. Je n’arrive pas à m’en rappeler, mais quand j’essaie ça me rend triste, c’est bizarre.

Et il m’a expliqué qu’il était fier de moi. Comme mon grand-père est fier de moi. Il m’a expliqué que j’étais le seul garçon qui pouvait transmettre le nom de famille que mon arrière grand-père m’avait laissé. Mon grand-père n’avait pas eu de frère, Denis s’était suicidé, l’aîné de mes oncles ne peut pas avoir d’enfant et le dernier de mes oncles possibles n’est pas marié.

J’ai sentit une grande pression, mais du même coup une certaine fierté, c’était bizarre. Comme si c’était un combat pour que la vie continue.


J’ai quinze ans. Mon grand-père est décédé il y a un mois. Il est mort d’un infarctus, et c’est une faiblesse transmise génétiquement. J’ai peut-être cette faiblesse en moi.

Mon père m’a remis une vielle montre, qui date de beaucoup de générations. L’aîné de mes oncles devait le transmettre à son fils aîné, mais puisqu’il ne peut pas avoir d’enfant, il a décidé que l’objet me revenait. J’y vois une grande symbolique, symbole d’un long combat, symbole d’épreuves traversées. Symbole de victoires passées et aussi de l’espoir de victoires futures. Symbole de la misère de laquelle s’est sorti Ben (diminutif de Benoît), et de l’évolution des frère et sœurs de fort Chambly.

Et j’ai peur, peur de les décevoir si je n’arrive pas à trouver la femme qui sera dans ma vie quand on décidera qu’il est temps de transmettre la vie, peur de ne jamais avoir d’enfant, peur de lancer la vielle montre au fond d’une rivière à soixante-dix ans en signe d’échec.

Mais je ferai mon possible, parce que la vie continue.


J’ai dix-huit ans. Je me sens seul trop souvent, j’en arrache beaucoup ces temps-ci. J’ai vieilli, j’ai grandi. Aujourd’hui, j’ai compris ce qu’il s’est passé dans la tête de mon père quand j’avais quatre ans. J’ai compris ce qu’il avait du ressentir, tout d’un coup. Qu’il venait de commettre l’irréparable, qu’il avait recréé un traumatisme dont il portait encore lui-même les séquelles. Et qu’il l’avait donné à son propre enfant, à sa plus grande fierté. Il a dû se sentir irresponsable, il a dû sentir l’échec, et sentir l’impuissance.

Parce que ce jour-là, je lui ai dit que j’étais capable d’avoir mal sans pleurer, comme il me l’avait demandé. À partir de ce jour-là, j’allais pouvoir, comme son père et lui-même, me sentir seul parce que je n’arriverais plus à communiquer. Ce jour-là, je lui ai montré que j’étais devenu un homme fort moi aussi. Et je l’ai sonné, d’une seule réplique, je l’ai remis en question. J’avais quatre ans.

Et j’ai compris pourquoi, encore aujourd’hui, je n’ai presque aucun souvenir de ces scènes. J’ai compris que mon inconscient m’empêche de les revoir, parce qu’il veut me protéger. Et que c’est pour ça, que même au moment où j’écris ce texte, j’ai encore la même boule dans la gorge et la même tristesse qu’il y a sept ans.

Et je me demande si c’est à cause de la pression familiale qu’aujourd’hui, inconsciemment, j’ai l’impression que ça me prend une fille dans ma vie pour être bien. Mais, ça, j’en ai aucune idée, c’est peut-être juste ma solitude aussi.

Mais une chose est sûre, rien n’est terminé. J’ai encore des années devant moi, des années à tout essayer pour être un peu moins seul.

Parce que le combat continue. Parce que la vie continue.
Un billet signé Nicolas

04 août 2005 à 22:11

Pierre

Je m’appelle Pierre. J’ai six ans. On habite fort Chambly. Ma mère et mon père, mes six frères et sœurs et moi. La vie est pas toujours facile mais elle quand même belle.

Aujourd’hui c’est le 27 décembre. C’est ma fête. Je n’aurai pas de cadeaux, parce qu’on a pas assez d’argent pour ça. Noël c’était avant-hier, alors personne ne peut m’acheter de cadeaux.

J’ai commencé l’école cette année. Les autres jeunes m’écoeurent, sauf quand mes deux grands frères sont là. J’haïs ça quand ils m’écoeurent, je me sens tout seul. Des fois, je rêve que je mets un masque et que plus personne ne me reconnaît, et que je sacre une volée à tous ceux qui m’écoeurent. Je rêve que tout le monde me trouve fort et gentil après, mais que je n’ose pas enlever mon masque. Parce que je sais que si je le ferais, ils continueraient à ne pas m’aimer.

Alors en attendant j’ai mes grands frères pour m’aider. Hier, ils ont été casser les fenêtres des voisins. Et je les ai suivi, parce que j’ai besoin d’eux. Quand ma mère a appris ça, elle a décidé que la strappe, ça ne serait pas assez sévère.

« Attendez que votre père revienne ! »

Ça, c’est la phrase finale. On a été se cacher dans notre chambre. Quand notre père vient nous voir, il n’y a rien de pire que ça au monde. Alors on se cache, et c’est la peur. Une vraie peur, parce qu’on sait ce qui nous attend. J’aurai presque voulu mourir.

On s’est caché pendant trois heures, jusqu’à ce qu’on entende ma mère dire « Benoît, les enfants sont dans la chambre, je pense qu’il faudrait que tu les corrige. ».

Et ça, ça ! Ça, c’est la douleur.

Mais la vie continue.


J’ai onze ans. Tantôt, à l’école, le gros Landry a dit qu’il me pèterais la gueule. Je vais amener mes frères, et il va sûrement amener ses amis aussi. Mais on va les planter, on les plante toujours. À fort Chambly, on se bat souvent, mais notre famille on gagne toujours, parce que notre père nous a montré à ne pas nous laisser faire.

Les jumeaux, Hélène et Denis, vont venir aussi, ça va être leur première bataille. Je les aime bien, les jumeaux. Hélène est coquine et Denis me fait penser à moi, je m’y suis attaché.

Tout ça pour dire qu’on va planter Landry tantôt, et que la vie continue.



J’ai quatorze ans. J’ai commencé à m’entraîner il y a trois mois, je fais du karaté. J’aime vraiment ça. Je m’entraîne deux fois par semaine, et quand je ne suis pas au gym, et bien j’y pense. J’adore les combats, parce que j’y mets toute ma rage, mais en même temps il y a un respect de l’adversaire. C’est défoulant et tranquillisant, c’est bon pour le corps et l’esprit.

Denis s’entraîne aussi. Il suit mes idées et il m’apporte beaucoup aussi, c’est plus qu’un frère pour moi.

Et, devinez quoi ? La vie continue !


J’ai quinze ans. J’ai vraiment la piqûre du karaté. Je m’entraîne cinq fois par semaine, avec Denis. Sauf que…

Cet après-midi, j’ai brassé Denis un peu. Je l’ai critiqué sur ses comportements bizarres qu’il avait trop souvent ces temps-ci, sur ses changements trop fréquents de perception. Il n’a vraiment pas aimé ça, et, je ne sais pas pourquoi, il s’est terriblement choqué. J’ai quitté la maison, pour quelles heures.

Quand je suis revenu, il gisait sur le sol dans un bain de sang. Il s’était ouvert les veines avec un couteau. Je me sens coupable. J’ai l’impression que tout est de ma faute.

J’ai vu mon père pleurer pour la première fois, il avait l’air anéanti. Et je n’ose pas leur dire ce qui s’est passé cet après-midi, j’ai peur que tout soit de ma faute…

Mon père dit qu’il ne faut pas s’en faire, que la vie doit continuer.


J’ai dix-neuf ans. Je quitte la maison familiale, j’ai trouvé un emploi dans une fabrique de semelles à Marieville. C’est en attendant d’avoir un meilleur emploi, mais je n’en peux plus de Chambly.

J’ai toujours les même problèmes que j’avais quand j’avais six ans, je me sens terriblement seul. Sauf qu’avec cinq ans de karaté, on ne m’écoeure plus. On me craint. Mais je me sens toujours aussi terriblement seul.

Je ne sais plus trop quoi faire, sauf laisser la vie continuer.


J’ai vingt-sept ans. Ma vie a changée depuis mon adolescence. Ma femme, oui j’ai une femme, vient d’acccoucher. Mon père est content qu’on ait eu un garçon. C’est pas parce qu’il est sexiste, mais je suis le premier de mes frères à avoir un enfant. Et il voulait un garçon, pour que notre nom de famille continue d’exister dans les prochaines générations. J’ai l’impression qu’il y voit une sorte de combat, d’éternel combat de père en fils. Un combat de survie. Et je le comprends.

Aujourd’hui, j’ai eu un fils, et il s’appellera Nicolas. Parce que la vie continue.
Un billet signé Nicolas

03 août 2005 à 19:05

Benoît

J’ai six ans. Je m’appelle Benoît. Il est 11 heures du soir, mon père n’est toujours pas revenu de travailler, et je m’inquiète. Maman m’a dit que c’est normal, que c’est parce que papa travaille fort, et que je vais comprendre un jour. Elle dit qu’il sait ce qu’il fait, que c’est l’homme de la famille. Mais moi et mes quatre grandes sœurs, on a peur.

J’ai commencé à aller à l’école cette année. Madame Bélanger est une imbécile. Elle bat des élèves parce qu’ils échappent leurs crayons ou pour ce genre de choses. Une journée, elle a battu mon ami Gérard parce qu’il a toussé durant la prière du matin. Dix coups de règle sur les doigts. Et deux de plus parce qu’il a pleuré. Et cinq de plus parce qu’il ne s’est pas excusé. Gérard s’est excusé après.

Si je pouvais, je la battrais aussi, la Madame Bélanger. Si je serais plus grand et plus fort. Sans rien lui expliquer. Juste pour qu’elle comprenne, elle aussi, c’est quoi avoir mal pour rien.

Chez nous il fait froid. Notre maison est trop vieille, les murs sont mal faits. Je peux passer ma main entre les planches de bois. Il neige même en dedans. On dort tous autour du feu. Mon père met du bois au feu durant la nuit. Je le sais, parce que des fois, quand je dors mal à cause du froid, je le vois se lever la nuit pour mettre du bois dans le feu. Et après, il prie en pleurant, pas trop fort, pour pas qu’on l’entende.

Maman dit qu’on vit dans la misère, mais que malgré tout la vie continue.


J’ai onze ans. Hier, on a enterré mon père. Il est mort d’un accident à l’ouvrage. Personne ne sait ce qu’il lui est arrivé, ils l’ont retrouvé sur le chantier, au sol, sans aucune marque de blessure, mais sans vie. Ma mère et mes sœurs ont pleurés. Moi je n’ai pas pleuré, parce que j’ai trouvé une solution. Demain, je n’irai pas à l’école. Le forgeron m’a offert une job. Demain, j’irai le voir, je lui dirai que je veux travailler. Il va comprendre.

Aujourd’hui, c’est jour de deuil. Demain, c’est moi l’homme de la famille. Jamais je n’abandonnerai ma famille. Même si je dois travailler encore plus que mon père, jour et nuit, sans relâche, ma mère et mes sœurs auront un toit et de quoi manger.

Déjà, aujourd’hui, j’ai du aller couper un arbre, pour qu’elles puissent dormir. J’ai du le couper, et le recouper en morceaux, puis l’amener à la maison, morceau par morceau, dans la tempête de neige. Mes mains étaient glacées, je ne les sentais plus. Quand j’eu terminé, je me suis littéralement effondré dans mon lit à la maison, de douleur et de sueur. J’ai onze ans. Y’en aura pas de faciles.

Je n’ai pas pleuré, parce que demain, c’est moi l’homme de la famille. Et parce que la vie continue.


J’ai vingt-et-un ans. Mes sœurs travaillent toutes maintenant, et ma mère est décédée. La maison a été vendue pour à un prix dérisoire aux anglais, les anciens patrons de mon père. Je n’ai presque aucune éducation, c’est à peine si je sais lire, écrire et compter. J’ai un billet de train pour Montréal. J’irai dans l’armée.

Ça fait dix ans que je me bats pour faire vivre ma famille. Je me battrai toujours, je crois. Comme mon père. Je n’irai pas travailler dans une shop miteuse ou sur un chantier pour des anglais comme mon père, par contre. Je vais dans l’armée, parce que je vais continuer de me battre pour ma famille. Et aussi pour tous ceux dans la misère comme je l’ai été. Je vais me battre pour ma nation, pour et avec nous autres, canadiens français.

Et la vie continue.


Ils veulent nous envoyer au Mexique. C’est hors de question. Ils veulent, moi et mes amis, nous envoyer au Mexique. Interdiction d’aider ses camarades, interdictions d’aider les civils. Seulement tuer le plus de japonais possible. Et bizarrement, dans mon unité, nous ne sommes que des canadiens français. Ils veulent tous nous envoyer à la mort, parce qu’on est français. Ils veulent faire de nous de la chaire à canon.

La moitié de mon unité déserte cette nuit. J’en serai aussi. On se disperse, on va se cacher. On attend la fin de la guerre. On n’ira pas sacrifier nos vies sur le front Mexicain pour sauver les usines américaines, non. C’est hors de question.

Cette nuit, je déserte, pour que la vie continue.


Je suis à Chambly. C’est la première fois de ma vie depuis mon enfance que je me sens chez moi. Je me suis caché trois ans ici. Je travaille dans un garage, j’ai un logement chaud et de quoi manger amplement. Je suis bien.

Ça cogne à ma porte. J’ouvre. Police militaire. On m’embarque. On m’explique que je ferai un an de prison, parce que j’ai déserté.

J’ai un peu peur. Mais je sais que je m’en sortirai. Je m’en sors toujours, difficilement mais je m’en sors, parce que je mets de l’effort. Ce n’est qu’un an à passer. Un an dans un petit carré encadré par des barreaux, un an à sentier l’impuissance encore. Un an à sentir l’injustice encore.

Mais je sortirai, et la vie continuera.


J’ai trente ans. Enfin, une vie plus stable. Ma femme a accouché hier. J’ai mon premier enfant. Je suis fier. De lui et de moi.

On habite Chambly. Et on va y rester. Je vais élever mes enfants avec force et honneur, comme mon père. Je vais leur enseigner à être travaillant, à se débrouiller, à toujours se battre. Je vais leur montrer qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de leur vie, qu’ils peuvent accomplir leur rêve, mais à condition d’y mettre du cœur et de l’effort.

J’ai eu mon premier enfant aujourd’hui. Parce que la vie continue.
Un billet signé Nicolas

01 août 2005 à 11:34

Unique

T’es un ti-cul. T’es un ti-cul à l’école, t’as le goût d’apprendre et de t’amuser. Pis ça marche, la vie est simple, tu te pose pas trop de questions.

- Tu veux-tu être mon ami ?
- Ok.

La vie c’est simple, tu te pose pas trop de questions, pis les plus gros problème que t’as c’est la mitaine que t’as oublié chez vous. Pis t’en parles à tes amis, parce qu’ils te comprennent, parce qu’eux aussi ça leur ait déjà arrivé. C’est simple.

Ton enseignante, elle s’appelle Nathalie, elle aime les enfants et elle est toujours de bonne humeur. Elle est toute petite pis toi t’es déjà trop grand, alors vous êtes presque déjà à la même hauteur. Un jour, dans un cours de moral, elle te dit que t’es unique. Elle te dit que t’es quelqu’un de spécial, que il n’y a personne d’autre comme toi dans tout le monde. Sur le coup tu trouves ça cool, t’es unique, t’es spécial ! T’es différent des autres, tu peux faire une différence. Mais elle dit ça à tout le monde. Alors au fond, t’es pas si spécial que ça, t’es juste différent. Tout le monde est unique, toi t’es juste différent. Ça te fait peur un peu, mais t’en parles pas, parce que t’as l’impression que t’es bizarre. T’as l’impression que tu penses trop, trop par rapport aux autres, et pour toi ça doit être normal, t’es différent. Mais t’en parles pas trop, tes amis te trouveraient… spécial…

Vite vite, tu chasses les pensées, mais elles reviennent quand même des fois. Un moment donné tu te retrouve au secondaire, t’as quinze ans pis pas mal plus de problèmes. T’es dans un cours de moral, un osti de criss de cours de moral con avec un prof chiant. C’est normal que tu te dises ça, t’es rendu un ado, tu chiales beaucoup et tu ne le sais pas encore que le prof s’en fout parce qu’il est syndiqué. C’est normal que tu te dises ça, t’aimes pas ça les cours de moral depuis le primaire.

Dans ton cours de moral, les autres ados discutent de leurs problèmes. Ils parlent de leurs détressent, de leurs angoisses. Mais toi tu fermes ta gueule, parce que depuis ton petit cours de moral du primaire, tu penses que t’es bizarre, que les gens vont partir à rire en entendant tes problèmes, parce que t’es quelqu’un d’unique, quelqu’un que personne ne comprendra.

Deux trois ans plus tard, tu te retrouves devant ton ordinateur. T’as toujours pas réussi à en parler, t’es toujours avec le même gros problème, ta peur, qui t’empêche de parler de tes millions d’autres petits problèmes dans ta tête. Et tu décides d’écrire un texte à la deuxième personne, parce qu’en te relisant t’as l’impression que quelqu’un te parles. En te relisant, t’as l’impression que t’es un peu moins seul.
Un billet signé Nicolas