27 octobre 2005 à 08:24

Instinct

Maudit instinct.

Une série d'évènements, plus ou moins banale, plus ou moins extraordinaire, et je me retrouve, un après-midi d'automne, dans une petite rue à Montréal. C'est un bel automne, vraiment, il y a des feuilles rouges et jaunes partout dans la rue, et il y a cette odeur automniale, fraîche, vivante. Je suis bien.

Je finis par trouver l'adresse, je cogne, et la raison de ma visite dans ce quartier typique de la ville me répond. Une vielle connaissance, vieille pour un gars de 18 ans, c'est-à-dire que ça fait quelques mois qu'on ne s'est pas vu.

Je savais déjà qu'elle était belle. Mais quand je dis belle, c'est un euphémisme. Elle est magnifique, resplendisssante, charmante, rayonnante, que je devrais dire. Et aujourd'hui, elle est l'incarnation absolue de tous ces compliments.

J'entre dans son petit chez elle, elle m'offre à boire, et on discute, de tout et de rien, comme ça, sans trop penser à l'heure. Simplement.

Elle est très simplement vétue, elle n'est pas maquillé ni même particulièrement coiffée. Elle est à son naturel, tout simplement. Et je ne l'ai jamais vu aussi belle.

À l'habitude, elle a un look plus rafiné. Coiffure travaillée, visage maquillé, vêtements minutieusement sélectionnés. Et bien sûr, tout ce travail lui confère un look utopique selon les critères de beauté modernes.

Mais sa simplicité du moment la rend encore plus jolie, encore plus charmante. Elle est assise sur un fauteuil, ses pieds nus traînent sur le tapis, dans son petit chez elle par un bel après-midi d'automne, elle me parle. Et moi, je relaxe, et je profite des joies de la conversation, sans arrière pensées face à la charmante jeune femme devant moi. Je profites de la vie, du calme, de la situation. Et de mon instinct, qui me fait sentir flottant et léger parce qu'une jeune femme trop belle est devant moi, mon instinct qui me faire sentir juste bien, en ce moment présent.

Que je peux t'aimer parfois maudit instinct. Ce que je peux t'aimer quand tu me simplifies la vie.
Un billet signé Nicolas

20 octobre 2005 à 13:48

Apparences, art, crédibilité pis peut-être autres choses aussi

En dehors de mes textes, en dehors de mon monde, dehors, dans le vrai monde, je ne suis pas un artiste. Du moins, c'est ce qu'on dit.

Les gens qui s'autoproclamment artistes, les purs et durs - ou les purs et mous devrais-je dire - ne me considère pas comme une personne avec une crédibilité sur ce qui touche l'art, du moins jusqu'à ce qu'ils lisent ce carnet. Mes opinions sont très bien articulés et fondées, mais parce que je n'ai pas l'image type du hippie collégien en arts, mes opinions valent moins aux yeux des autoproclammés artistes. Pourtant, ils se disent ouvert et pour une égalité sans limites. Paradoxe.

La majorité de ces autoproclammés artistes se croient créatifs, alors que j'ai l'irrationnelle conviction que beaucoup d'entre-eux n'ont jamais ressenti la pulsion, l'incroyable pulsion d'avoir besoin d'écrire, de dessiner, de créer. Pas la pulsion comme un goût, mais vraiment comme un besoin, comme un manque, comme une nécessité. Paradoxe.

Ces autoproclammés artistes ne me disent pas artiste parce que je suis souvent trop rationnel. Mais en quoi la façon de penser influence la valeur de l'art? Il y avait bien un mouvent artistique nommé la rationalisme, à ce que je sache. Paradoxe.

Et ce qui me dérange là-dedans, c'est que la majorité s'entend pour dire que les artistes ont toujours des propos intelligents et recherchés. Mes professeurs de français ne voient d'être créatifs et ouvert à la littérature que dans leurs classes d'arts et lettres. On nous passe toutes sortes de débats télévisés avec des artistes et des artistes, souvent sans un vrai spécialiste. Alors qu'en fait, cette étiquette d'artiste ne veut généralement rien dire d'autre que "je suis un bon interprète".

Je n'ai pas le blues du businessman. J'ai le blues de l'incompris.
Un billet signé Nicolas

17 octobre 2005 à 18:15

La grosse et l'intello

Il y avait à cet époque, dans le village de St-Jean-sur-Richelieu, une grosse et un intellectuel. On les disait ami. Mais commençons par le début.

L'intellectuel avait des contacts dans l'élite. Docteurs, cinéastes, notaires, journalistes, et même hommes d'état. On le connaissait jusque dans la grande ville de Montréal, où ses amis les plus importants résidaient.

Les femmes, comme le vin et les discussions, il les aimait recherchées, prononcées et en abondance.

La grosse, elle, était fonctionnaire à la ville de St-Jean. Elle était reconnue tout d'abord pour sa répugnance singulière - et on était unanime à ce sujet - et ensuite pour son sale caractère. Son apparence lui empêchait de progresser dans la hiérarchie comme les femmes de l'époque le faisaient, ainsi donc, elle obtenait ce qu'elle voulait de par sa voix rauque et vulgaire.

Elle arivait à tout, sauf, naturellement, en amitiés et, bien sûr, en amour.

En gueulant à gauche et à droite à la mairie de St-Jean, la large fille réussit à se faire introduire, par un haut fonctionnaire de la ville, dans le cercle d'élites de l'intellectuel.

Lorsque celui-ci vit l'énorme femme pour la première fois, il demanda comment elle, si grosse et répugnante qu'elle fût, s'était hissé jusque dans son petit monde jusqu'alors clos. Mais pour éviter d'offusquer son ami le haut fonctionnaire de la ville de St-Jean-sur-Richelieu, il décida d'accepter la grosse dans le groupe, sans toutefois lui souhaiter la bienvenue.

La grosse croyait enfin s'être fait des amis. Elle tenta de faire sa place parmi l'élite, en vain. En effet, il est dûr de se faire une place avec un tel tour de taille.

Bien vite, elle empoisonna l'ambiance du groupe par son gueulage excessif de propos minimaux. Finis les les discussions musclées! Finis débats enflammés de pensées intelligentes! Elle ruinait tout par ses insultes et jugements envers ses nouveaux amis.

La grosse croyait avoir fait sa place, mais de jours en jours les sentiments que l'élite avait à son égard empirait.

Rapidement, l'intellectuel compris le sentiment qu'avaient ses amis face à la nouvelle. Discutant par ici et par là, il réussit à convaincre ses élitistes amis à contribuer à ce qu'il appellait le "grand plan", que voici.

Tout d'abord, l'intello força la grosse à prendre position dans un débat émotif, avec de subtils et agressants sophisme. Ensuite, il divisa le groupe en deux parties. De l'un, il y avait la grosse avec ses alliés, qui jouaient plus la comédie qu'il prenait vraiment position. De l'autre, l'intellectuel, avec ses propres alliés.

Le débat, choisi explicitement pour frapper l'émotivité de la grosse, n'en était pas vraiment un. La moralité de la question était trop évidente. La grosse défendait le bien, alors que l'intello défendait le mal. Tout était naturellement minutieusement orchestré.

Quand la grosse eu assez à coeur la chose pour croire qu'elle vivait la question existentielle la plus importante de sa vie, coup de théatre! Renversement foudroyant! Tous les supposés alliés de la grosse changèrent d'idée pour rejoindre l'intello. Sauf le fou. Il avait eu pitié d'elle.

Le fou avoua à la grosse que c'était un coup monté. La révélation eu l'effet d'une bombe. La monstrueuse fonctionnaire comprit instanément toute la haine que ses présumés amis entretenaient à son égard. Elle s'enfuit dans une campagne encore plus profonde, près de Matane si on en croit les rumeurs, et plus jamais on entendit parler d'elle dans la région de Montréal.

Aujourd'hui, la grosse est rendue vieille et triste. Quand elle constate l'échec monumental que fût sa vie, elle attribue tout à l'intello.

Celui-ci, de son côté, ne peut s'empêcher de regarder ce qu'il a fait avec une certaine honte. Pourtant, quand ses souvenirs replongent à l'époque de la grosse, il y voit le plaisir. Le plaisir, profond, d'une jeunesse où tout était permis.
Un billet signé Nicolas

14 octobre 2005 à 10:55

La place de l'apparence

La place de l'apparence, du paraître. C'est essentiel, ou non?

Au fond, dans le vrai fond, c'est l'être qui compte. C'est ce que je suis, et comment je vois les choses. Mais jusqu'où est-ce que ça marche, ça? Parce que la façon dont les autres voient les choses, c'est aussi important.

Suis-je vraiment ce que je crois être, où suis-je comment on me perçoit? Parce que si tout le monde sur la terre s'entend pour appeller un morceau de bois avec 4 pattes de bois une table, et que je suis en désaccord, j'ai tord et c'est un table. Alors si je me dis ouvert et que tous s'entendent pour me dire fermé, alors, par convention, je suis fermé.

Peut-être...
Un billet signé Nicolas

09 octobre 2005 à 20:00

Apné

Style oral.

Je suis un lâche. Tout ça, toutes ces bibittes qui dans ma tête, tout ça, j'aurais pu l'éviter. Facilement en plus. Juste agir aurait suffit, faire de quoi mais agir, au lieu d'être passif. Mais j'ai eu peur, j'ai choké. J'ai rien fait; je suis un lâche.

T'étais si belle, si gentille, si brillante. Ta façon de t'exprimer, en pesant chaque mot. Ta façon de sourire, sincère, tendre. Tes clins d'oeil que tu me faisais pour me signifier que tu jouais. Tes fou-rires retenus, ton amour de la musique, tes rêves de grandeur. Et surtout, surtout, ta petite tête. Ta petite tête et ta façon de penser, trop comme la mienne. Ta façon de te poser toujours trop de questions, de tout vouloir savoir, d'essayer de tout comprendre. Curiosité intellectuelle, avidité de questions et soif de réponses. Je t'ai toujours écouté, toujours compris, à cause de ta petite tête, ta façon de pensée, trop proche de la mienne. C'était ça qui me faisait tripper chez toi, tout ça. Tout ce que j'ai toujours voulu chez une femme, tous mes idéaux, tous mes rêves, tous. C'était toi. T'était si belle, si gentille, si brillante. Et moi si lâche. Criss que je suis con.

Tout ça, parce qu'un soir, j'ai été profondément taré. Pis j'ai eu peur. J'ai eu peur de te perdre, peur de jamais te connaître au complet, peur de pas finir avec toi. On était assis au bar, je nommerai pas la place, mettons un bar pris au hazard, de même. Mettons le Diable Vert. T'étais assise, j'étais là avec toi, et on se racontait nos vies. Comme d'habitude. Pis tu m'as parlé d'un gars. Il fallait que tu me parles d'un autre gars. Faut toujours que ça commence par finir... avec un autre. Ça allait pas bien avec lui, t'avais besoin de soutient. T'avais besoin de moi, parce que j'étais le seul qui puisse t'aider. Parce qu'il fallait que ça finisse de même, il fallait que je me rammasse avec la job ingrate de t'aider à me faire mal. Il te restait moi. Juste moi. Ton dernier espoir. Et ton dernier espoir, il a eu peur. J'ai eu peur. J'ai eu peur, parce que je sais pas quoi faire dans ces situations-là. J'ai eu peur, parce que j'ai compris que c'était fini, ou presque. J'ai compris que je n'étais qu'un ami pour toi, que cette histoire allait finir mal, que j'allais avoir mal. Comme d'habitude. Faque j'ai eu peur.

J'ai choké. Je me suis trouvé une excuse poche, quelque chose comme "Faut que je m'en aille, j'ai oublié de laisser de la bouffe au chat", pis je suis parti. Pis je le sais que tu le sais que j'ai pas de chat. Faque j'ai eu peur, j'ai choké, pis je t'ai laissé seule. Seule dans le bar pis seule avec tes problèmes.

Pis je le sais qu'est-ce que tu t'es dit après. Je le sais, parce que ta petite tête, ta façon de penser, je la connais trop; c'est la mienne. Tu t'es posée plein de questions. Trop de questions. Trop d'hypothèses, trop de problèmes. Tu t'es demandé si j'avais vraiment un chat. Tu t'es demandé si j'ai pas voulu me débarasser de toi, si j'étais pas ton ami jusqu'à ce que t'ailles des problèmes.

Tu t'es demandé si j'aurais pu m'acheter un chat mais que j'avais oublié de le nourrir. Tu t'es demandé si mon hypothétique chat valait plus à mes yeux que toi. Tu t'es demandé si toi, t'avais laissé de la bouffe à ton chat. Parce que t'es lunatique et insécure. Je le sais, parce que je pense comme toi, trop comme toi. Trop, parce que maintenant ça me fait mal.

Trop de problèmes, trop d'hypothèses, pas de solutions. Faque tu m'as pas rappellé. T'as attendu que je te rapelle. Je le sais, tu penses comme moi. Parce que moi aussi, j'ai attendu que tu me rapelles. On s'est jamais rappellé. Criss que je suis cave.

Moi, de mon côté, je me suis dit que ça valait plus la peine de t'aimer. Que ça allait juste me faire plus mal et encore plus mal, que j'allais en souffrir sans rien y gagner. Comme d'habitude. J'ai voulu t'oublier.

Je connais deux façons d'oublier une fille. Noyer ses sentiments ou les étouffer. L'alcool ou la raison. Pis l'alcool, ça me tentait pas. Parce que pendant que tu bois, ça va bien, t'es heureux. Mais le lendemain matin, quand tu te réveilles au bord de la toillete, que t'as mal à la tête et au coeur, à cause de l'alcool et de la fille, tu te dis que t'as rien règlé.

Alors j'ai opté pour la raison. La bonne vieille raison, celle qui tue les sentiments à coups de bonnes vieilles phrases idiotes. Des phrases comme "C'était pas la bonne" ou "Au fond, si elle aimait un autre gars, c'était peut-être parce qu'elle n'étais pas si parfaîte que ça". Des phrases idiotes. Des phrases idiotes que je me répète pour me convaincre que mes sentiments avaient tord. Que j'étais un faible qui avait falli pour son instinct, que c'était juste physique, que maintenant j'était un autre homme, plus logique, plus rationnel. Criss que je suis cave des fois.

Faque j'ai étouffé mes sentiments. Je me suis conditionné à arrêter de penser à elle, jusqu'à ce que mes émotions manquent d'air. Au début, j'ai eu l'impression que je me faisais du mal, que c'est pas la bone façon de procéder. Mais après un bout de temps, je me suis habitué à manquer d'air, à suffoquer. Pis après un deuxième bout de temps, je me suis dit que j'étais tellement con, tellement cave d'avoir eu des sentiments. Je me dis que c'est comme n'importe quel être vivant, étouffe-les pis ils vont crever en silence. Et proprement. Faque j'ai arrêté de respirer, de vivre, jusqu'à ce que la petite voix émotive en dedans se taise.

Jusqu'à ce que mes émotions s'étouffent, en silence. Jusqu'à ce qu'ils disparaissent, qu'il n'en reste plus que le cadavre, que le souvenir.

Mais il reste toujours le cadavre, en dedans. Cadavre des sentiments passés, corps inerte d'une faiblesse vaincue, d'une douleur achevée. Mais un cadavre ça pue. Et donc, ya tout plein de petites bibittes qui viennent s'y nourir. Le cadavre se décompose, et les bactéries se multiplient et grossissent. Elles deviennent tellement grosse qu'elles prendre des noms. Regrets. Amertume. Remords. Tristesse. Douleur. Mais j'ai nié l'existence des petites bibittes. On a pas le droit d'avoir des bibittes en dedans dans notre société moderne. Mon boss, mes amis, ma famille. Tout le monde, dans le fond. Toute le monde s'attend à ce que je sois de bonne humeur, productif, drôle. Pis je me sentais mal là-dedans. Faque j'ai arrêté de respirer un peu plus, j'ai arrêté de vivre un peu plus, j'ai étouffé ces sentiments-là aussi, pis les petites bibittes se sont nourri encore.

C'est pour ça que ce soir, j'ai décidé de lire ce texte là. J'ai décidé de nommer mes petites bibttes. Regrets. Amertume. Remords. Tristesse. Douleur. Ce soir, j'accepte que j'ai mal, que la raison a rien de donné, que tu me manques. J'accepte que t'étais si belle, si gentille, si brillante. Et moi si si con, si cave. Si lâche. Je sais pas encore ce que je vais faire après ce texte, parce que je sais que t'es là, je sais que tu m'as entendu, je sais que tu m'as écouté attentivement. Pis je sais que tu recommences à te poser tout plein de questions, je le sais, parce que tu penses trop comme moi. C'est pour ça que tu me manques.

Je sais pas encore ce que je vais faire. Mais maintenant, j'ai enfin l'impression de recommencer à respirer.

Un billet signé Nicolas

05 octobre 2005 à 13:44

Échecs, apparences, intégrité, pis plein d'autres affaires de même

Un homme, fictif bien sûr. Appellons le Nicolas. Au hazard, tsé, c'est fictif... Donc un homme, Nicolas, et supposons que Nicolas est heureux de ce qu'il est, mais pas de ce qu'il a. Mettons.

Nicolas, qui étudie au Cégep, mais ce n'est pas moi, vous voyez... Et bien, ce Nicolas, que je ne connais pas parce qu'il n'existe pas, est heureux de ce qu'il est mais est malheureux de ce qu'il a.

Nicolas se dit intègre à lui-même. Il se définit comme un être ouvert, qui pense librement, qui réfléchit sur divers aspects de sa vie, qui est toujours à l'affut de l'information et avide de nouvelles choses. Il ne veut pas être autrement; la seule chose sur laquelle il ne veut pas changer est son ouverture qui le force à changer sur tout le reste. Et pour lui, une autre définition de lui-même serait un recul.

Notre Nicolas, il aime bien exprimer ses idées à travers un art. L'écriture. Mettons. Et il aime ça, écrire, ça lui permet de dévellopper des idées - ses idées. Ça lui permet de se sentir en vie par moment, de se voir lui-même comme il est. Comme quelqu'un qui se questionne et qui est ouvert.

Et posons l'hypothèse - pas nécessairement vraie - que personne ne le voit comme il est. Notre homme serait vu comme un être fermé, incapable de s'exprimer oralement, avec des idées molles ou peu réfléchies. On le perçoit comme un marginal, mais sans plus. C'est un freak aux yeux de tous.

Et Nicolas, à travers son questionnemment et ses observations, s'en est rendu compte. Et il a même attribué ses échecs de relations interpersonnelles et amoureuses à son apparence. À cette impression fausse qu'il dégage. Nicolas en est malheureux. Pas toujours, mais ça le dérange, et il vit mal avec ça.

Et bien, ce personnage, je crois que je le comprendrais. Mais je ne saurais pas quoi lui dire.
Un billet signé Nicolas

02 octobre 2005 à 18:19

Parfait

Quand j'étais petit, j'étais le kid idéal, l'enfant parfait. J'étais le petit gars que toutes les mères voulaient avoir, le petit gars tranquille, sage, poli. Le petit gars parfait. Toutes les copines de ma mère trippaient sur moi, parce que j'étais donc tranquille, donc fin, donc beau, donc... parfait. J'avais quatre ans pis j'étais parfait, ma mère m'admirait, ses copines me voulaient comme fils. J'étais heureux.

Pour être heureux, c'était simple : je ne faisais rien. Je faisais pas de mauvais coups, je restais toujours tranquille, je restais dans mon coin, pis j'attendais qu'on me dise que j'étais sage et gentil. Pis ça marchait.

Quand je suis arrivé au primaire, ma prof de première année, Nathalie qu'elle s'appelait, trippait sur moi. Je dérangeais pas en classe, j'avais toujours 100 aux examens, j'apprenais vite. J'étais l'élève parfait.

Nathalie me disait que j'avais de l'avenir, que j'étais doué. Elle me disait que j'allais faire de grande chose, faire un grand métier, devenir quelqu'un d'important. Quelqu'un d'heureux. Elle, c'était une adulte, pis moi j'avais juste six ans, pis un p'tit gars parfait, à six ans, ça écoute les adultes pis ça dit qu'ils ont raison. Pis à force de dire qu'elle avait raison, j'ai fini par penser qu'elle avait vraiment raison.

Rendu à peu près en cinquième année, j'étais toujours aussi doué, toujours aussi parfait. Toujours autant à ma place, sage, souriant, enthousiaste. Toujours aussi aimé des profs, mais toujours à manger tout seul à la cafétéria. Toujour seul, jamais avec des amis. Parce que j'en avais pas d'amis.

J'étais le bollé, le petit gars trop sage, trop parfait. Celui qui sait pas s'intégrer, celui qui fait ses devoirs; celui qui est pas cool.

Tout d'un coup, je me suis dit que j'étais pas correct. Tout d'un coup, je me suis dit que j'étais pas assez social, pas assez ouvert, pas assez comme les autres, trop différent, trop bizarre. Tout d'un coup, je me suis dit que je valais rien, que j'étais seul, que j'étais un bollé seul. Je me suis dit que j'étais triste.

Mais je pouvais pas revenir en arrière, alors je me suis dit que c'était juste une mauvaise passe, que ça allait finir par s'arranger avec le temps. Que le temps arrange tout, que la vie est belle, qu'au secondaire, ça allait changer.

Arrivé au secondaire, ça a changé. Un peu. À peine.

Les jeunes avaient arrêté de dire que j'étais un bollé. J'étais rendu un nerdz. Les profs me disaient que c'était pas grave si j'avais pas d'amis, pas grave si j'étais tout seul. Ils me disaient que ça valait la peine de mettre un effort au secondaire, pour avoir un bon emploi plus tard. Pour pas finir dans une shop au salaire minimum. Ils me disaient qu'en faisant des sacrifices maintenant, qu'en étudiant, j'allais aller au cégep puis à l'université, que j'allais avoir une grosse job, avec un gros salaire, pis que j'allais être heureux. J'allais être riche pis heureux.

Et comme un cave, je les ai écouté. J'ai arrêté de m'écouter moi pour les écouter. J'étais le gars jamais invité au party, celui qui mange son lunch tout seul dans les toilettes. J'étais le gars dont tout le monde connaissait le nom; parce que j'étais le rejet nerdz de l'école. Mais personne ne me parlait.

Et après un bout de temps, j'ai arrêté de croire que je pouvais aller leur parler. J'étais trop gêné, j'avais jamais fait ça avant, approcher quelqu'un. Faque j'ai laissé tombé, comme ça. J'ai accepté ma solitude, j'ai accepté ma triste, et je me suis mis à attendre. Attendre que quelqu'un me parle, attendre qu'il se passe de quoi.

Il s'est jamais rien passé.

Pis là, une coupe d'années plus tard, je me questionne sur mon passé et ma solitude. J'ai de l'argent, mais je ne suis pas heureux. Pis je repense à ma mère qui voulait que je sois sage, à mes profs qui se débarassaient de moi en me disant d'étudier parce que j'allais être riche. J'ai de l'argent, des beaux diplômes.

Je suis parfait. Mais je suis triste.

Et je commence à me dire que c'est de la faute à ma mère, à mes profs, que j'ai cru, que j'enverrais chier profondément aujourd'hui. Parce que je suis seul, parce que là il est trop tard, pis parce que j'ai pas d'amis, je rencontre personne.

Parce qu'en général, quand on rencontre quelqu'un, on se le fait présenter. Mais je connais personne, alors je ne me fais présenter personne.

Faque je perds mes soirées, tout seul, devant mon ordinateur, à écrire des textes sur les thèmes d'un spectacle à Montréal. Pis je raconte ma triste existence, parce que chaque mot m'y ramène, parce que chaque mot décrit une réalité. Et parce que ma réalité, c'est une existence pathétique d'un gars seul qui écrit des textes tristes.

Rétrospectivement, j'aurais fait des folies dans mon enfance. J'aurais insulter ma mère, j'aurais pas fait mes devoirs. J'aurais dû vendre de la drogue, me saouler dans des party, consommer des drogues dures, commettre quelques crimes, peut-être lâcher l'école. Peut-être qu'aujourd'hui, je serais devenu quelqu'un de pauvre, avec une job plate. Mais avec des amis.

Mais non. J'étais un enfant parfait. Et je suis un adulte seul.

Un billet signé Nicolas