02 octobre 2005 à 18:19

Parfait

Quand j'étais petit, j'étais le kid idéal, l'enfant parfait. J'étais le petit gars que toutes les mères voulaient avoir, le petit gars tranquille, sage, poli. Le petit gars parfait. Toutes les copines de ma mère trippaient sur moi, parce que j'étais donc tranquille, donc fin, donc beau, donc... parfait. J'avais quatre ans pis j'étais parfait, ma mère m'admirait, ses copines me voulaient comme fils. J'étais heureux.

Pour être heureux, c'était simple : je ne faisais rien. Je faisais pas de mauvais coups, je restais toujours tranquille, je restais dans mon coin, pis j'attendais qu'on me dise que j'étais sage et gentil. Pis ça marchait.

Quand je suis arrivé au primaire, ma prof de première année, Nathalie qu'elle s'appelait, trippait sur moi. Je dérangeais pas en classe, j'avais toujours 100 aux examens, j'apprenais vite. J'étais l'élève parfait.

Nathalie me disait que j'avais de l'avenir, que j'étais doué. Elle me disait que j'allais faire de grande chose, faire un grand métier, devenir quelqu'un d'important. Quelqu'un d'heureux. Elle, c'était une adulte, pis moi j'avais juste six ans, pis un p'tit gars parfait, à six ans, ça écoute les adultes pis ça dit qu'ils ont raison. Pis à force de dire qu'elle avait raison, j'ai fini par penser qu'elle avait vraiment raison.

Rendu à peu près en cinquième année, j'étais toujours aussi doué, toujours aussi parfait. Toujours autant à ma place, sage, souriant, enthousiaste. Toujours aussi aimé des profs, mais toujours à manger tout seul à la cafétéria. Toujour seul, jamais avec des amis. Parce que j'en avais pas d'amis.

J'étais le bollé, le petit gars trop sage, trop parfait. Celui qui sait pas s'intégrer, celui qui fait ses devoirs; celui qui est pas cool.

Tout d'un coup, je me suis dit que j'étais pas correct. Tout d'un coup, je me suis dit que j'étais pas assez social, pas assez ouvert, pas assez comme les autres, trop différent, trop bizarre. Tout d'un coup, je me suis dit que je valais rien, que j'étais seul, que j'étais un bollé seul. Je me suis dit que j'étais triste.

Mais je pouvais pas revenir en arrière, alors je me suis dit que c'était juste une mauvaise passe, que ça allait finir par s'arranger avec le temps. Que le temps arrange tout, que la vie est belle, qu'au secondaire, ça allait changer.

Arrivé au secondaire, ça a changé. Un peu. À peine.

Les jeunes avaient arrêté de dire que j'étais un bollé. J'étais rendu un nerdz. Les profs me disaient que c'était pas grave si j'avais pas d'amis, pas grave si j'étais tout seul. Ils me disaient que ça valait la peine de mettre un effort au secondaire, pour avoir un bon emploi plus tard. Pour pas finir dans une shop au salaire minimum. Ils me disaient qu'en faisant des sacrifices maintenant, qu'en étudiant, j'allais aller au cégep puis à l'université, que j'allais avoir une grosse job, avec un gros salaire, pis que j'allais être heureux. J'allais être riche pis heureux.

Et comme un cave, je les ai écouté. J'ai arrêté de m'écouter moi pour les écouter. J'étais le gars jamais invité au party, celui qui mange son lunch tout seul dans les toilettes. J'étais le gars dont tout le monde connaissait le nom; parce que j'étais le rejet nerdz de l'école. Mais personne ne me parlait.

Et après un bout de temps, j'ai arrêté de croire que je pouvais aller leur parler. J'étais trop gêné, j'avais jamais fait ça avant, approcher quelqu'un. Faque j'ai laissé tombé, comme ça. J'ai accepté ma solitude, j'ai accepté ma triste, et je me suis mis à attendre. Attendre que quelqu'un me parle, attendre qu'il se passe de quoi.

Il s'est jamais rien passé.

Pis là, une coupe d'années plus tard, je me questionne sur mon passé et ma solitude. J'ai de l'argent, mais je ne suis pas heureux. Pis je repense à ma mère qui voulait que je sois sage, à mes profs qui se débarassaient de moi en me disant d'étudier parce que j'allais être riche. J'ai de l'argent, des beaux diplômes.

Je suis parfait. Mais je suis triste.

Et je commence à me dire que c'est de la faute à ma mère, à mes profs, que j'ai cru, que j'enverrais chier profondément aujourd'hui. Parce que je suis seul, parce que là il est trop tard, pis parce que j'ai pas d'amis, je rencontre personne.

Parce qu'en général, quand on rencontre quelqu'un, on se le fait présenter. Mais je connais personne, alors je ne me fais présenter personne.

Faque je perds mes soirées, tout seul, devant mon ordinateur, à écrire des textes sur les thèmes d'un spectacle à Montréal. Pis je raconte ma triste existence, parce que chaque mot m'y ramène, parce que chaque mot décrit une réalité. Et parce que ma réalité, c'est une existence pathétique d'un gars seul qui écrit des textes tristes.

Rétrospectivement, j'aurais fait des folies dans mon enfance. J'aurais insulter ma mère, j'aurais pas fait mes devoirs. J'aurais dû vendre de la drogue, me saouler dans des party, consommer des drogues dures, commettre quelques crimes, peut-être lâcher l'école. Peut-être qu'aujourd'hui, je serais devenu quelqu'un de pauvre, avec une job plate. Mais avec des amis.

Mais non. J'étais un enfant parfait. Et je suis un adulte seul.

Un billet signé Nicolas

6 manifestation(s):

Un commentaire de Blogger Julie...

...

9:42 p.m., octobre 02, 2005  
Un commentaire de Anonymous Anonyme...

Moi aussi, j'étais une enfant sage, tranquille. Et j'étais aussi une enfant seule. Mais un jour je suis arrivée au cégep, je me suis dit que je voulais pas passer ma vie comme ca, toute triste à écrire ma vie triste dans des textes tristes, et j'ai décidé de m'impliquer. De tripper avec du monde sur un projet, un qui me tenait vraiment à coeur. J'y ai trouvé une place, la mienne. Y'a rien de figé, rien d'absolu ou de déterminé à jamais.
Si j'étais moralisatrice, je te dirais que ça sert à rien de toujours regarder en arriere, que ca t'empêche de bien vivre le présent et de rêver le monde. Mais je ne le suis pas ;)

11:08 p.m., octobre 02, 2005  
Un commentaire de Blogger Nicolas...

Explications:
Bon, moi aussi, je ne le trouve pas super, ce texte. C'était plus un exercice de texte au style oral qu'autre chose. Mais je l'ai publié quand même. Et voilà tout.

11:20 p.m., octobre 02, 2005  
Un commentaire de Blogger Pitounsky...

Je trouve qu'il fesse ce texte moi!

Touchée, comme tu dis!

7:56 p.m., octobre 03, 2005  
Un commentaire de Blogger Myriam...

moi je suis en accord avec lamorak. le texte est bien, mieux que j'ai entendue un certain moment.

9:36 p.m., octobre 03, 2005  
Un commentaire de Blogger La Souris & Myrrha...

Y'a des drogués et des "stars" du secondaire qui se retrouvent seuls à l'âge adulte aussi.

Avoir les pieds sur quelque chose de solide, ça comporte ses avantages... être intelligent et avoir du potentiel, c'est loin d'être un défaut.

11:23 a.m., octobre 04, 2005  

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