28 février 2006 à 20:12

Contradictions aériennes

Envole-toi dans un frisson infini, vole, vole et pleurs. C'est ma faute, remercie-moi. Le ciel est vaste; il est ouvert, c'est le tiens. C'est pas le miens. Tu le sais trop bien, moi je suis ancré au sol. Tabarnak.

Vole! Plus haut plus loin. J'veux voir ton image plus petite. Plane, ça te va bien. Les étoiles poussent et les arbres brillent, t'es plus grande et moi je ne suis pas là. Vole!

...
Parfois je m'assis et j'écoute le ciel, j'y entends des voix qui me disent adieu. Des êtres volent, d'autres écoutent. Moi j'écoute parce que je ne sais pas voler. Parfois les voix expliquent comment voler. Mais je n'ai pas d'ailes. Alors j'écoute.
...

Vole! Surprends moi; explose. Le ciel se veut mouvant mais il tombe plus vite que toi. Sans un recul, vois-tout. Plonge, rapidement, vers la lune ou le soleil mais plonge! Et vole. S'il-te-plait.

...
D'autres fois je m'enferme et j'écris. J'écris que je ne sais pas voler mais au fond ça ne change rien. Quand on y regarde de près les mots ne veulent rien dire, seuls les individus veulent tout dire. Tout est impossible.
...

Une flèche viendra. Elle te frappera. Tu tombera, cruellement, ta lumière éteindra une ombre, dans un soupir, dans mon soupir. Ton cadavre dans mes mains, ton odeur et puis plus rien. Envole-toi dans un frisson infini, vole, vole et pleurs. C'est ma faute, remercie-moi.
Un billet signé Nicolas

21 février 2006 à 21:51

Le tueur d'identité - 1941

Der Grün Apfel, Berlin, 1940.

Rumi avance d'un pas calme dans la microbrasserie à l'éclairage pauvre. Il s'assit à une petite table ronde, en face d'un homme, en apparence les restes d'un homme. L'air abattu, les yeux mi-clos, le restant d'homme fixe inlassablement la table.

Rumi observe l'homme et l'homme se perd dans la table, les minutes passent lentement, le poids du temps s'installe à son rythme.

Rumi crée le contact.
- Je suis désolé.
- Je suis mort.
- Non, tu ne l'es pas.
- Alors je suis détruit.
- Reconstruis-toi.
- C'est-ce que je fais.
- ...

Le contact étant repris, l'homme se disant mort n'ose pas le silence.
- Comment il a anticipé la guerre?
- Je ne sais pas, Oliver.
- Pourquoi a-t-il voulu traverser la frontière avec Alphonse et toi? Et pourquoi a-t-il demandé à moi de vous faire traverser?
- Pour éviter la guerre.
- Mais pourquoi avec toi et Alphonse?
- Je ne sais pas, Oliver. Désolé.
- ...

Avec un effort visible et une touche de désespoir, Oliver reprend encore la parole.
- Tous ces rêves, toutes ces promesses, tous ces projets.
- Les attentes mortes, les déceptions...
- Il m'a tué.
- Que vas-tu faire?
- Pour l'instant, je me fais une sorte de procès intérieur. Puis, je me reconstruis.
- Bonne chance.

Rumi quitte l'endroit devenu soudainement pesant, avec tout sauf la physique en tête. Un français dont il ignore toujours le nom est arrivé il y a deux ans. Tout a tellement changé depuis deux ans.
Un billet signé Nicolas

14 février 2006 à 21:04

Le tueur d'identité - 1938

Café le Lynx, Paris, 1938.
Rumi Zucker, physicien allemand à l'allure introverti, entre dans le petit café empoussiéré qu'il fréquente à chaque midi. Il est midi. Rumi est à l'heure, comme toujours.

- Vrank, café noir et un biscuit à l'avoine, s'il-te-plait.
Francis, le propriétaire et unique employé du minuscule café, sert à Rumi son quotidien café et biscuit en simulant un sourire.

- Alors Herr Doktor Zucker, les affaires vont bien?
- Avec Der Fûrher au sommet de la mère patrie, chaque jour est pire que le précédent pour un physicien allemand à Paris.

Le scientifique de presque quarante ans échape un inaudible rire nerveux.

- En passant Rumi, je sais pas trop pourquoi mais il y a l'homme là-bas qui veut te parler.

Francis pointe du doigt un petit homme un peu rondelet qui fume lentement une cigarette. Rumi ne le reconnait pas.
- Étrange. Danke Vrank.
- De rien Doktor.

Francis feint un autre sourire.

Herr Doktor marche d'un pas calme et distrait en direction du petit homme. À deux pas de la table, le petit homme prend la parole d'un fort accent français du sud.
- Assoyez-vous, docteur.

Le français a une voix douce et acceuillante, qualifiable de chaleureuse. Rumi obéit et s'assoit.

- Vous n'allez pas bien, docteur, visiblement quelque chose vous agace.
- Vous avez raison. Mais comment me connaissez-vous? Je suis intrigué, Monsieur l'inconnu.
- Je vais vous remonter le moral. Demain soir venez Chez Martine, à deux rues d'ici. Nous jouerons au billard et nous discuterons.
- J'accepte volontier, mais je suis nul au billard.
- Nous allons jouer, pas compétionner, docteur. Allez, à demain.

Un moment s'éoule. Puis, Rumi quitte son siège et repart s'égarer dans les rues ensoleillées de la capitale.



Chez Martine, Paris, 1938.
Rumi entre dans l'endroit qui lui est inconnu. L'inconnu à l'accent du sud l'acceuille dès son entrée de sa voix sympathique.

- Ah Rumi! Ça va bien?
- Oui, bien sûr.
- Je ne te crois pas. On se tutoit maintenant d'accord?
- D'accord.

Le français guide Rumi dans la chaotique salle de jeux jusqu'à une table. Un autre homme, grand et maigrichon, peut-être quarante-et-un ans, se présente à lui.
- Bonjour Rumi. Moi c'est Alphonse.
- Rumi Zucker.

Les deux hommes se serrent la main. L'inconnu apporte une précision à Rumi.
- Alphonse aussi est physicien.

Et la nuit commence. Partie de billard après partie de billard. Alphonse avec le temps expose les problèmes qui le tracassent. Sa peur de passer encore plusieurs années comme physicien, ses craintes face à la vie, ses manques d'amour et ses échecs qui le hante. Rumi, peu habitué à ce genre de comportement extraverti, s'y lance quand même un peu. Il explique ses problèmes à s'intégrer à la société francaise et ses peurs que sa situation empire avec l'engouement pour les valeurs nazi en Allemagne.

L'inconnu rassure les deux hommes.
- Vous savez les gars, tout n'est que temporaire au bout du compte. Ça va finir par aller mieux.

Alphonse semble rassuré. Rumi répond d'un mot, un soupir.
- Peut-être.
Un billet signé Nicolas

12 février 2006 à 23:38

Dix sur dix

Je me suis levé ce matin avec onze heures de sommeil dans le corps. En forme. Dangereusement en forme.

J'ai décidé de vérifier si effectivement mes relations étaient à sens unique. J'ai décidé de voir si j'étais vraiment un inclassable, un inconditionnel deuxième.

J'ai pris ma journée, incluant le petit bout au boulot, à passer des invitations pour les Auteurs du dimanche de ce soir. Cinq gars cinq filles. Un bel échantillon statistique.

J'ai lancé dix invitations en tout. Dix fois "ça va être un bon show". Dix fois "il y a Martin Petit ce soir". Dix fois "j'aimerais ça que tu sois là, ça serait cool".

J'ai reçu dix négations. Dix fois "on se reprendra une prochaine fois". Dix fois "ah finalement je vais faire quelque chose d'autre ce soir". Dix fois "Nic tu passes deuxième".

Dix fois c'est assez pour comprendre. C'est simple en esti après dix fois. Je suis out. Totalement pas le gars avec qui on veut sortir. Il y a quelque chose que je fais mal, que je dis mal, que je ne suis pas, pis je peux pas mettre le doigt dessus. Pis quand je vais mettre le doigt dessus ça va probablement faire pas mal plus mal que ma douleur du moment qui est déjà pas mal terrible.

Je suis parti vers Montréal dans ma volks déserte, Wish you were here de Pink Floyd jouait dans le tapis. Pis le you, c'était le you au pluriel. Parce que c'était de même que je le sentais.

Je suis étrangement joyeux. Dur à expliquer. Un bonheur par autodéfense, un bonheur forcé, on dirait. Unr joir éphémère, une espèce de réjouissance de connaître la vérité. Mais je sens une agitation au fond de moi. Une agitation mauvaise, noire. Je vais mal dormir cette nuit.

Dix sur dix. Le message est saisi.
Un billet signé Nicolas

09 février 2006 à 22:06

Je suis calme

Les attentes sont parties. Je les ai éliminé. Mikka est partie aussi.

Seul dans mes souvenirs. Plein de beaux moments, les laids sont rares. Une panoplie d'histoires incomplètes, de moments présents maintenant passés. Dans ce montage vidéo chaotique qui joue dans ma tête, je n'ai exposé peut-être qu'un dizième des scènes sur ce carnet. Et mes amis les plus intimes n'en savent pas réellement plus que vous.

Il traîne des centaines d'instants dans ma tête. Des centaines d'instants où tout semblait aller pour le mieux, où toutes mes craintes s'effaçaient. Je ne les ai jamais écrites. Je n'en ai jamais parlé. Dans chacun des cas j'ai eu le pressentiment - où la lucidité - pour voir que c'était des moments éphémères, des histoires sans suite. Dans chacun des cas, j'ai eu raison.

Mikka est partie. Les attentes aussi. L'avenir est flou. J'ai perdu le focus et je suis content. Sauf que là, il ne reste rien autour de moi. Alors il ne reste que moi. Il reste ma pensée. Et mes souvenirs. Je suis calme.
Un billet signé Nicolas

07 février 2006 à 12:26

Mikka ou Une histoire trop courte

Plus ou moins tel que conté par coeur (parce que j'en arrache un peu par coeur) hier soir au Vices et Versa.

Mikka, je l'ai rencontré à Chambly. J'étais commis d'épicerie à Chambly, et elle était caissière. Je sais, c'est cliché, ça me rend malade.

Je crois pas avoir déjà rencontré une fille plus brillante qu'elle. Vraiment. C'est un cliché en elle même. Ça me rend malade. C'est la fille conscientisée, l'amoureuse de philosophie, la hippie dans le club écolo de son Cégep, l'étudiante en journalisme. L'étudiante douée en journalisme, faut le préciser. Elle est irréprochable.

Quelques semaines après que je la rencontrais, elle démissionnait de l'épicerie. Et j'ai décidé que je ne la laissais pas passer. La dernière journée au travail, j'ai été la voir. Pour lui laisser mon numéro de téléphone, ou encore mon adresse ou mon courriel, ou mon code d'assurance maladie. Quelque chose, pour essayer de garder contact. À 18 ans c'était la fille la plus brillante que j'avais rencontré de toute ma vie, c'était hors de question d'attendre d'en avoir 36 pour la prochaine comme elle.

Et avant que je puisse lui laisser mes coordonnées, c'est elle qui a griffonné son numéro de téléphone sur un papier pour me le laisser. Elle souriait. J'étais heureux. Je sais, c'est cliché. Ça ma rend malade.

Quelques semaines plus tard, on a été prendre un café ensemble. J'ai appris qu'elle partait pour l'Afrique. Elle allait faire un stage là-bas pour venir en aide concrètement à un pays en voie de développement. Quand je vous disais qu'elle était irréprochable.

Trois mois. Elle partait pour trois mois. Je lui ai promis que je la rappellerais à son retour, elle avait l'air heureuse.

Trois mois plus tard, j'ai téléphone. Elle était pas là, alors j'ai laissé un message sur son répondeur. Des jours ont passé, j'ai laissé d'autres messages. Je lui ai écrit des courriels. En vain. J'ai pu entendu parlé d'elle après.

Je ne saurai probablement jamais si j'ai été amoureux d'elle. Je ne la verrai probablement pas. Je sais, c'est patte comme histoire. Il y a pas peut-être pas de morale à en tirer, peut-être juste un constat. Constat que parfois la réalité est juste comme elle est, pis que je peux pas toujours y changer quelque chose.

Pis c'est drôle asteur il y a comme un espèce de vide en d'dans moi. Comme si il manquait quelque chose. Pis avec elle je peux pas me convaincre qu'elle était conne où qu'elle ne m'aurait rien apporté. Je sais pertinemment que c'est faux. Elle est irréprochable.

Fack ce que je tire de cette histoire-là, c'est quelques beaux souvenirs, le constat d'une réalité trop terre à terre, un coupe de scénarios trop spéculatifs sur pourquoi elle ne m'a rappelé et un sentiment de vide. Est-ce que ça m'apporte vraiment quelque chose? Je le sais pu.

Bon, je sens que ça m'aide pas, je m'en viens déprimant.
...
Mouains...
...
J'vais aller me prendre une autre bière. Merci

Un billet signé Nicolas

05 février 2006 à 11:23

Trois semaines

Trois semaines sans que tu retourne un seul appel. Trois semaines sans que tu répondes à un de mes courriels, même si je sais que tu les as lu. Trois semaines sans tes nouvelles. Ça veut dire que c'est fini? Je présume.

...
Un billet signé Nicolas