Café le Lynx, Paris, 1938.
Rumi Zucker, physicien allemand à l'allure introverti, entre dans le petit café empoussiéré qu'il fréquente à chaque midi. Il est midi. Rumi est à l'heure, comme toujours.
- Vrank, café noir et un biscuit à l'avoine, s'il-te-plait.
Francis, le propriétaire et unique employé du minuscule café, sert à Rumi son quotidien café et biscuit en simulant un sourire.
- Alors Herr Doktor Zucker, les affaires vont bien?
- Avec Der Fûrher au sommet de la mère patrie, chaque jour est pire que le précédent pour un physicien allemand à Paris.
Le scientifique de presque quarante ans échape un inaudible rire nerveux.
- En passant Rumi, je sais pas trop pourquoi mais il y a l'homme là-bas qui veut te parler.
Francis pointe du doigt un petit homme un peu rondelet qui fume lentement une cigarette. Rumi ne le reconnait pas.
- Étrange. Danke Vrank.
- De rien Doktor.
Francis feint un autre sourire.
Herr Doktor marche d'un pas calme et distrait en direction du petit homme. À deux pas de la table, le petit homme prend la parole d'un fort accent français du sud.
- Assoyez-vous, docteur.
Le français a une voix douce et acceuillante, qualifiable de chaleureuse. Rumi obéit et s'assoit.
- Vous n'allez pas bien, docteur, visiblement quelque chose vous agace.
- Vous avez raison. Mais comment me connaissez-vous? Je suis intrigué, Monsieur l'inconnu.
- Je vais vous remonter le moral. Demain soir venez Chez Martine, à deux rues d'ici. Nous jouerons au billard et nous discuterons.
- J'accepte volontier, mais je suis nul au billard.
- Nous allons jouer, pas compétionner, docteur. Allez, à demain.
Un moment s'éoule. Puis, Rumi quitte son siège et repart s'égarer dans les rues ensoleillées de la capitale.
Chez Martine, Paris, 1938.
Rumi entre dans l'endroit qui lui est inconnu. L'inconnu à l'accent du sud l'acceuille dès son entrée de sa voix sympathique.
- Ah Rumi! Ça va bien?
- Oui, bien sûr.
- Je ne te crois pas. On se tutoit maintenant d'accord?
- D'accord.
Le français guide Rumi dans la chaotique salle de jeux jusqu'à une table. Un autre homme, grand et maigrichon, peut-être quarante-et-un ans, se présente à lui.
- Bonjour Rumi. Moi c'est Alphonse.
- Rumi Zucker.
Les deux hommes se serrent la main. L'inconnu apporte une précision à Rumi.
- Alphonse aussi est physicien.
Et la nuit commence. Partie de billard après partie de billard. Alphonse avec le temps expose les problèmes qui le tracassent. Sa peur de passer encore plusieurs années comme physicien, ses craintes face à la vie, ses manques d'amour et ses échecs qui le hante. Rumi, peu habitué à ce genre de comportement extraverti, s'y lance quand même un peu. Il explique ses problèmes à s'intégrer à la société francaise et ses peurs que sa situation empire avec l'engouement pour les valeurs nazi en Allemagne.
L'inconnu rassure les deux hommes.
- Vous savez les gars, tout n'est que temporaire au bout du compte. Ça va finir par aller mieux.
Alphonse semble rassuré. Rumi répond d'un mot, un soupir.
- Peut-être.