29 mai 2005 à 22:05

La deuxième chance

Samedi soir. Samedi soir dans un épicerie. Samedi soir, dans un épicerie, à placer de la bière. Non mais qu'est-ce que je fais là?
Je pense à la veille. À tous ce qui s'est passé hier. Mais à tout ce qui ne s'est pas passé surtout. Je pense à la stupidité de ma petite histoire.
Je m'étais préparé mentalement. À huit heure, l'heure à laquelle elle prend normalement sa pause, je l'aurais rejoint en salle de pause. Je lui aurai parlé un peu, et je me serais arrangé pour lui reparler. Je lui aurais laissé mon numéro de téléphone, ou je lui aurais proposé qu'on fasse quelque chose. Je n'avais plus le choix, c'était sa dernière journée à l'épicerie.
Et elle n'est pas venue. C'est aussi plate que ça. J'ai l'impression d'avoir lu un livre de trois cent pages pour me rendre compte que la dernière est arraché. C'est aussi plate que ça.
Je suis là, à placer de la bìère, avec ces pensées qui restent, ce sentiment d'échec trop stupide. Un mélange entre une impression d'impuissance et de constat terre à terre.
Je me dis que je dois écrire un texte sur cette histoire. Je me dis que c'est tellement nul, tellement plate que ça pourrait faire une drôle de petite nouvelle. Je me dis que je pourrais appeler ça L'Étudiante qui lisait Nietzche. Je me dis que ça va faire du bien de mettre des mots là dessus.
Je place de la bière, le temps avance lentement, je suis dans la lente et réelle réalité, celle où la douleur continue après le texte, celle où la douleur est présente dans chacune des secondes, des minutes, des heures.
Je m'oublie tranquillement dans mes pensées. Je vis chaque instant, un après l'autre. Chaque instant sans évolution, chaque instant aussi pénible que celui d'avant. J'ai manqué mon coup. Je n'ai même pas pu essayer. C'est aussi plate que ça.
Et elle apparaît! Mon souffle s'arrête net, je fait le saut. Elle est là! Aujourd'hui! Une journée de plus. La vraie dernière journée.
Je ne la laisserai pas filer. J'ai appris. C'est fou comme j'ai appris en 24 heures.
J'attends qu'elle prenne sa pause. Elle y va. Je la suis furtivement, tel un commis qui connait tous les racoins sombres de son épicerie. Et, comme quoi la réalité ne se déroule jamais comme je l'anticipe, comme quoi la vie est toujours pleine de surprises, je me heurte à un obstacle. Sa boss aussi est en pause. Je veux pas lui laisser mes coordonnées devant sa boss! Je fonde mes derniers espoirs sur les quelques mots que je pourrais lui glisser en passant à sa caisse, en achetant, disons, deux cannes de soupes. Ouais, j'ai besoin de deux cannes de soupes...
J'ai la nette impression que je vais avoir l'air con. Je vais avoir l'air du gars qui veut cruiser un caissière pendant qu'elle est sur sa job. Je ne cherche pas à la cruiser, juste à garder contact... Mais c'est fou comme j'ai appris en 24 heures...
Une quinzaine de minute plus tard, deux cannes de soupe à la main. Je vais à sa caisse, lui glisse un mot.
- Je déteste les adieux...
- Pourquoi tu dis-ça?
- Ben... C'est ta dernière jounée ici.
- Ah! Ben je peux te laisser mon numéro de téléphone, on peut aller prendre un café si tu veux, un jour...

Comme quoi...
Un billet signé Nicolas

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