30 juin 2005 à 21:59

Non

Il y a des fois où je voudrais dire non. Pas dans le sens que j'accepte toujours tout, ou que je suis incapable de refuser. Non. Il y a des fois où je voudrais dire non à la vie. Pas de le sens que je voudrais me tuer, non. Dans le sens que je voudrais dire non aux évènements. Je voudrais m'obstiner avec le destin, négocier les choses. Faire comme un syndicaliste qui dit non à l'offre patronale, faire comme les CPE qui disent non à Charest.

Je me fais trop mal à tout essayer avec une fille. Encore. Elle me fait mal en se permettant de dire me dire non. Et là, je n’y peux rien. J’ai mal, c’est tout.

Une fois, ça passe. Deux fois aussi. Trois fois aussi. Pis là, ça en fait trop, je sais plus je suis rendu à combien. Peut-être un mille, peut-être un million. Peut-être quatre. Tout ce que je sais, c’est que ça fait mal. Ça fait crissement mal, pis c’est pas intermittent, c’est continu.

J’aurais juste le goût de dire non au destin.

Non! Criss là ça va faire. Je souffre, moi! Ça se fait pas, des affaires de même. Si c’est pas acceptable de souffrir en permanence comme condition de travail, pourquoi ça le serait pour la vie?

J’te dis non. Pis tu peux rien y faire, là. Tu viendras pas prendre le contrôle de ma vie. Pis tu peux pas m’empêcher de dire non. J’te dis non, c’est tout. Fait moi une meilleure offre. Moi, je vois pas pourquoi je continuerai c’te vie là avec des conditions de même!

Criss,
- Souffrance continue
- Crises d’espoir pour rajouter de la douleur
- Confronté perpétuellement à des gens qui vont bien
- Décès des proches inévitable
- Travail dans un système basé sur la production
- L’ancienneté nuît à l’individu
- Mort inévitable à la fin

Méchantes conditions... J’me demande pourquoi j’ai pas été déjà voir ailleurs. Pis toi, en plus, t’es au courrant de ça! Pis ça te coûterait absolument rien d’y changer quelque chose.

Moi j'en ai assez fait pour toi. J'me suis démerdé tout seul, j'me suis trouvé un chemin pour être théoriquement heureux dans la vie. J'ai travaillé pour devenir une brute en informatique. J'ai appris à écrire pour me divertir. Je pourrais être économiquement et artistiquement heureux dans la vie.

Mais tu le sais autant que moi, de la façon que tu m'as bâtit, c'est pas de même que je marche. Faudrait que tu me laisse une chance avec une fille. Ou sinon, faudrait que tu fasse fermer leur gueule à ces milliards de personne qui me crient que c'est ça le bonheur.

Fack j’te dis non, pis j’attends ta meilleure offre.

Un billet signé Nicolas

29 juin 2005 à 21:54

Le monde est trop petit

Il y a des jours où j'ai l'impression vivre dans une pièce de théatre. Tout se passe toujours dans les même endroits, avec les même personnes. Pis j'ai l'impression d'être le criss de figurant de la même couleur que le décor.

C'est toujours les même personnages qui reviennent dans ma vie. Les même filles qui reviennent trop tard et qui partent trop tôt. Les même gars qui prennent une bière avec moi pour me dire que ça va passer, avant d'aller rejoindre leurs blondes. Les même gars qui feignent l'indifférence alors que je sais qu'ils écriraient la même chose que moi. C'est toujours les même.

C'est toujours dans les même places. C'est toujours chez un tel ou un tel qui peut se permettre de nous recevoir. À chaque fois, il y a toujours un petit changement dans le décor. À chaque fois, on le signale toujours à la même personne. On pisse toujours dans la même toilette, on se sert toujours dans le même frigidaire, on dort toujours sur le même sofa. Ça finit toujours sur le même sofa, avec la même pensée. Celle que la prochaine fois, ça va être mieux, ça va être différent. Mais ça l'est jamais, parce que c'est toujours le même monde, aux même places.

Pis là je me retrouve sur le même divan. Il s'est rien passé avec la même fille que la dernière fois. La même fille qui est revenue, juste pour me faire chier on dirait. Le même bon gars est venu m'offrir une bière, avant de retourner avec sa blonde. Le même bon gars qui est tout seul ce soir ne m'a pas adressé un mot. J'ai pissé dans la même toilette, j'me suis pris deux trois bières dans le même frigidaire. Pis je finis sur le même divan, à la même place que la dernière fois.

Criss que le monde est petit.
Un billet signé Nicolas

26 juin 2005 à 19:11

Elle, c'était pas l'autre

Petite fiction en clin d'oeil à Alex Lauzon et aux autres qui étaient dû...

Ça avait été moins dur avec l'autre d'avant. Ça n'avait pas été plus facile. C'est jamais facile. C'est toujours dur. Mais ça avait été moins dur. Avec celle là, au moins, j'ai eu de la matière à écrire. On s'est vu cinq soirs. J'ai pu vivre un peu et constater tout ce que j'ai manqué.

Même si ça n'a duré que cinq soirs, au moins ça a duré un temps. Je suis même content qu'il s'est passé quelque chose, même si ça a fini de façon atroce, même si ça n'a fait que plus mal.
Mais avec elle, c'est aussi dur que d'habitude. Je l'appelle. Elle répond.

Ça lui prend cinq minutes se souvenir de moi... Ça part mal. Après, je lui demande si on peut se voir telle date. Non, elle est occupée. Et telle date. Non, elle a un rendez-vous. Et telle date. Ah, et bien elle va être très occupée finalement la semaine prochaine. Et l'autre après? Aussi, on dirait...

On dirait que moi aussi je suis occupé, je ferais mieux de raccrocher. Alors il se passe rien encore.

Elle, c'était pas l'autre. Je régresse.
Un billet signé Nicolas

24 juin 2005 à 21:59

Fête nationale

J'ai fouillé dans ma Larousse illustré 87 un peu, pour m'amuser.

Nation : Grande communauté humaine, le plus souvent installé sur un même territoire, et qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique plus ou moins forte.

Pays : Territoire d'une nation Ensemble des habitations, des forces économiques et sociales d'un nation.

Mouain...
Un billet signé Nicolas

22 juin 2005 à 18:03

Avoir l'air con sans avoir l'air stupide

J'aurais dû l'appeller aujourd'hui. J'aurais dû décrocher l'appareil, composer, et lui demander qu'on se voit. J'aurais dû tenter d'être drôle un peu, j'aurais dû essayer de laisser ma marque dans sa mémoire.

Mais j'ai eu peur. Peur de ne pas savoir quoi dire, d'avoir l'air stupide.

Il y avait ça, et il y avait le manque d'idée. Je sais pas quoi lui proposer. Pour elle, je me dois un petit effort de plus. Je ne peux pas simplement l'inviter à sortir. Ce n'est pas exactement ça que je cherche. Et à chaque idée que je trouve, j'ai peur d'avoir l'air stupide.

Finalement, je l'ai pas appellé. Je me trouve encore plus con que dans mes peurs, parce que je n'ai même pas essayé. J'ai l'air con. Mais au moins, j'ai pas l'air stupide.
Un billet signé Nicolas

21 juin 2005 à 18:08

Mon réveil-matin

J’entends renifler. Je reconnais les reniflements, et je les déteste. Je les entends chaque matin depuis quelques semaines. Et à chaque fois, ils me font un peu plus mal.

Ce sont les reniflements de ma mère, qui étouffe ses sanglots du même coup. Elle essaie de se faire la plus discrète possible. Mais il est sept heures du matin, et personne n’est réveillé dans l’appartement, à part elle, et moi, silencieux dans mon lit.

Elle a toujours été comme ça. En période de troubles, ma mère se réveille toujours tôt le matin, parce que son sommeil est trop troublé. Probablement parce que ses rêves lui font trop mal.

Elle se réveille par la douleur et avec la douleur. Mais elle retient ses pleurs pour ne pas nous réveiller, moi et ma sœur. Elle vit sa tristesse par ces reniflements et par des petits gémissements étouffés qui fendent le silence matinal. Elle vit sa douleur pour pouvoir paraître forte à notre réveil, pour jouer sa mère souriante qui élève ses enfants, dont elle est fière, dans le bonheur.

Je me sens mal. Impuissant devant ce malheur qui habite ma mère, incapable de réconforter la femme qui m’a donné la vie.

Je me lève en silence. Je la retrouve dans la salle à dîner. Dès qu’elle me voit, elle se retourne. Le temps d’essuyer rapidement son visage en pleurs, en sortant une assiette comme pour se concentrer sur autre chose. Elle prend le temps de renifler une dernière fois. Pis elle me regarde.

- Qu’est-ce que tu veux manger pour déjeuner ?

Mais j’entends encore les larmes dans sa voix, je lis encore la douleur dans ses yeux.

C’est probablement ce qui fait le plus mal dans le divorce de mes parents.
Un billet signé Nicolas

20 juin 2005 à 18:24

Respirer un peu

Ah! Ça faisait trop longtemps que je retenais mon souffle. Au moins trois semaines. Trente-deux heures de cours au Cégep, vingt-huit heures à consacrer à mon épicerie adorée, un minimum très minimal de cinq heures de travaux, manger et dormir si possible. Et là, la session est terminée. Ne reste plus que mon épicerie adorée à 39 heures par semaine.

Je respire!

Inspirer...
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Expirer!

Ah! Alors maintenant que j'ai un peu plus de temps, je vais m'occupper, entre autre, à vous écrire un peu plus. Et j'ai aussi mille autre projets en tête, qui seront probablement le sujet de billets futurs. Alors, à bientôt.

Et que l'été commence!
Un billet signé Nicolas

14 juin 2005 à 17:31

L'envie d'un moment.

La tête penchée vers un cahier, son corps qui s'était positionné un peu trop près du miens. Ses beaux yeux qui s'étaient posées sur mes écrits, son souffle qui résonnait dans mes oreilles.

Et une envie. Juste l'envie de faire glisser ma main dans ses cheveux, jusque dans son coup. Lentement, doucement, comme marque d'affection ou d'attention.

Juste une envie simple mais intense, peut-être même paternelle. Une impression inexplicable, mais ça m'avait pris, comme ça. Comme une vision d'un geste qui aurait pu être tendre, comme une vision de moi en train de vivre un peu. Mais un geste prohibé. Envie non comblée, le sentiment d'être passé à côté d'un moment simple mais beau.

Maudit instinct.
Un billet signé Nicolas

12 juin 2005 à 22:15

Les gars, me semble qu’on est dû.

Ouain. Les gars, vous qui allez comprendre ce que je vais dire, me semble qu’on est dû.

On s’ennuie. Pas de fille dans nos vies, pis l’impression qu’on est les seuls de même. C’est plate. On s’ennuie. Pis ça fait mal.

Et puis un jour, il y en a une qui se pointe. Une à qui on porte des attentions et qui nous les retourne, une qui passe pas à côté de nous comme si on était le dernier trou d’cul de la terre.

Et ensuite, il y a un peu d’excitation mêlé à de la douleur. On y met tout notre cœur, on y laisse toute notre âme. On fait de notre mieux, on se donne à fond, même si ça fait de plus en plus mal, même si on est en train de comprendre qu’on est partit pour un autre échec.

Et finalement, un jour, on croit que c’est le bon moment, le bon endroit, la bonne situation. On se livre. Pis ça donne rien. Et là, il n’y a plus d’excitation. Juste de la douleur.

Pis t’as l’impression que c’est la centième fois que ça t’arrive. T’as l’impression que cette vie là c’est de la merde, que même si tu fais tout ça donne rien, que tu vaux rien, que ça marchera jamais. Ça fait mal, mais tu te la ferme. Parce qu’un gars down, ça pogne pas. Tu gardes ça en dedans, pas parce que t’es un homme, parce que c’est ça qu’elles attendent de toi. Souris et aie l’air joyeux, on trouve ça plus amusant comme ça. Mais juste amusant.

Pis après un bout de temps, t’as tellement réussi à garder ça pour toi que t’as oublié. Tu te dis qu’elle était pas pour toi, qu’elle était trop comme ci ou pas assez comme ça. Tu te dis qu’un moment donné la bonne va passer. Au fond tu y crois pas trop, mais t’as pas le choix d’essayer d’y croire, il te reste juste ça.

Pis tu retrouves à la case départ. Tu t’ennuie, ça fait mal. Tu te demande qu’est-ce que tu fais là.

Va falloir qu’on prenne une soirée pis qu’on se dise qu’on s’en fou. Va falloir qu’on prenne une soirée pis qu’on déconne, qu’on les oublie pour vrai, qu’on les oublie en se disant qu’elles nous font mal pis que ça nous fait chier.

Les gars, me semble qu’on est dû pour une bière. Au moins une.
Un billet signé Nicolas

09 juin 2005 à 22:12

C'est l'automne dans ma tête

C’est l’automne dans ma tête. Il y a des feuilles un peu partout, de toutes les couleurs. Des feuilles qui tombent, qui planent, qui s’élèvent. Au dessus de ma tête, autour de moi. Elles tournoient, elles volent agilement comme si c’était naturel pour elles.

C’est du papier, partout. Du papier vif, du papier encore frais. Les feuilles sont en mouvement, elles se transforment. Elles changent imperceptiblement de couleur. Elles sont poussées par un vent sauvage, de nature presque aléatoire. Elles sont soufflées dans toutes les directions, elles se frottent et se heurtent en bruits secs et subtils. C’est l’automne dans ma tête, et il y a du papier partout.

Il fait froid, mais le vent est chaud. L’air se succède entre le calme froid et les rafales de chaud. Ça me donne le frisson. Et ça en donne au papier.

C’est brumeux. Je ne vois pas très loin, je ne comprends pas trop. Je suis au milieu de nulle part, je reste immobile. C’est gris dans toutes les directions. Les feuilles de couleur sortent et entrent dans ma petite zone de clarté, sans arrêt, et trop vite. Elles viennent d’ici et vont là. Mais il y a trop d’ici et de là, je ne les suis plus. Je me contente de contempler le spectacle, les deux pieds bien ancrés sur ma place d’honneur.

Le vent se calme. Les feuilles se posent. Je suis sur un tapis de couleurs, et je n’ose pas faire un pas devant l’innocente fragilité que je pourrais briser. J’attends calmement. J’observe chacune des petites feuilles, toutes différentes, toutes uniques. Toutes belles et colorées. Mais la tentation est trop forte, j’en saisie une. Du papier d’un beau jaune pur, d’une belle forme parfaite, et juste assez petit pour ma poche.

Comme pour me punir d’avoir osé détruire la beauté de son œuvre, le vent se relève calmement. Le ciel l’accompagne de tous ses tambours. J’entends son vacarme.

Et la pluie tombe. De grosses goûtes d’eau bleues tombent au ralenti. Elles détruisent les feuilles. Les goûtes explosent en frappant les feuilles qui se déchirent et se plient. Les fragments se regroupent en boules sur le sol. Ils s’accumulent en petites montagnes de résidu, dans la terre bouetteuse et la poussière que le vent amène maintenant.

Et la pluie cesse de tomber. Le vent revient, et il est plus sec que jamais. Il assèche ce qu’il reste de couleur. Sous sa force, les fragments de feuilles se plient sur eux-mêmes. Ils perdent leurs couleurs, leur vie. Tout devient trop brun, trop mort. Le papier est mort, avec toute sa naturelle beauté. Il ne reste que le sol brun et l’horizon brumeux gris, dans un calme inquiétant. C’est à ce demander s’il y a eu tout ce papier qui tournoyait vraiment, s’il y a vraiment eu une si belle pureté.

Je ressors de ma poche la feuille jaune. Elle est heureusement intacte, presque miraculée. Le papier est toujours aussi vif. Des écrits remplissent le papier, comme toujours.

Je lis papier. Et les écrits commencent par "C'est l'automne dans ma tête".
Un billet signé Nicolas

07 juin 2005 à 18:14

Ma jumelle illégitime

C’est rare, mais ce qui suit n’est nullement romancé. C’est tout vrai.

C’est pour vous parler de l’étudiante qui lisait Nietzsche.
Dans ma première idée, je voulais appeler le texte « La petite fille qui lisait Nietzsche ». J’ai changé « petite fille » pour « étudiante », parce que « étudiante » me paraissait mieux, même si dans ma tête « petite fille » gardait une sonorité intéressante.

Je ne l’ai pas écrit encore, mais j’ai toujours eu à son égard l’étrange impression de la connaître depuis toujours. Peut-être parce que l’on partage des valeurs et des goûts très semblable, peut-être parce qu’elle pense un peu comme moi. Peut-être les deux.

Une drôle d’impression, vraiment. L’intérêt pour l’actualité, les mêmes convictions politiques, le besoin de s’engager. La même façon de vivre, je dirais. Drôle d’impression.

C’est comme si elle était comme moi, mais qu’elle aurait grandit dans un environnement différent. Quand elle me parle, j’ai l’impression d’avoir vécu la même chose qu’elle tellement ses choix et visions auraient été miens dans pareille situation. C’est pour ça que je ressens le besoin de garder le contact, d’échanger un peu plus.


Je lui ai reparlé, et l’impression s’est amplifiée. Mais elle n’a pas l’air de la partager. Dommage.

J'ai appris que son surnom, c’est la petite fille. J’ai souris. Comme dans mon idée originale. Drôle d’impression, vraiment.

Dernièrement, j’ai appris qu’elle allait avoir 18 ans le 7 juin. C’est aujourd’hui. C’est très étrange. Moi aussi, j’ai 18 ans aujourd’hui. On est né la même date. Très drôle d’impression.

J’aurais aimé pouvoir fêter sa anniversaire. J’aurais aimé qu’on se fête, qu’on se reparle. Mais, semblerait-il que ça n’adonne pas. Mais j’ai le goût d’écrire ce qui aurait pu se passer, parce que c’est mon anniversaire, et ça ne me tente pas d’écrire un long texte sur la douleur de quelque chose qui ne s’est pas passé.


Donc, je vous livre un texte, que je trouve un peu maladroit. Je vais probablement le réviser. Mais pour l'instant, c'est tout ce que j'ai.

Ça s’intitule « Non, c’est ta fête ». Bonne lecture!
Un billet signé Nicolas

Non c'est ta fête

Aujourd’hui, c’est le 7 juin 2005. Il y a exactement dix-huit ans, c’était le 7 juin 1987. Vous auriez pu le calculer vous-même, je le sais. Mais ce 7 juin 1987, je suis né. Et elle aussi.

On s’est rencontré il y a deux mois tout au plus, à l’épicerie où je travaille. On a vécu des petits moments, des petites coïncidences. Des petits moments comme des sourires, et des petites coïncidences comme quand on s’est rendu compte qu’on est né la même date.

Trop gêné pour l’appeler, je lui ai laissé un courriel. C’est moi ça. J’ai son numéro, et quand elle me l’a donné, elle m’a dit qu’on pourrait aller prendre un café, un de ces jours. Mais, j’ai peur, je sais pas pourquoi. J'ai peur de manger un autre non en pleine face. J’ai peur d’avoir mal.

Je n’ai pas assez confiance en moi. Si je l’aurais appelé, au moins j’aurais eu une réponse. Mais non, je suis là, chez moi, à travailler sur mes travaux de fin de session. J’écris sans rien dire, j’écris des mots pour mes professeurs, des mots pour leur faire plaisir à eux plus qu’à moi. J’écris des propos qui ne m’appartiennent pas. J’aimerais faire n’importe quoi sauf ça. J’ai dix-huit ans aujourd’hui. Ça va être ça, ma vie d’adulte. Le travail et les responsabilités.

En bas à droite de mon écran, l’ordinateur m’indique qu’il est 18h17. Je fais du surplace dans mes travaux, parce que je suis ailleurs dans ma tête. Je pense à des petits moments, des petites coïncidences. Il est 18h33.

Le téléphone sonne. Je le laisse sonner deux coups, par paresse. Par ennui. Ça doit être ma mère qui veut me souhaiter bonne fête, mais elle me sort de mes pensées. C’est gentil de sa part. Mais ça ne me tente pas. C’est plus beau dans ma tête, c’est plus beau dans mes souvenirs. C’est plus beau dans mes petits moments, dans mes petits sourires. J’ai pas le goût de me faire rappeler que j’ai dix-huit ans aujourd’hui et que je fais du sur-place devant une demi page d’un projet quelconque pour l’école.

Je réponds à la moitié du troisième coup, par habitude. Par ennui aussi. Je me force pour mettre un minimum d’intérêt dans ma voix.
- Oui allo?
- Salut, me fait une voix féminine en allongeant le son « u ».

Je reconnais la voix. C’est sa voix, la voix de l’étudiante qui lisait Nietzche. On dirait que la vie m’envoie une bonne nouvelle.
- Ça va bien?
- Oui!

Elle me sourit de sa petite voix, je l’entends. Je souris de ma propre voix aussi, je crois. Un autre petit moment.
- Hé, t’es majeure enfin! Bonne fête.
- Ouais… toi aussi!
- Non, aujourd’hui c’est ta fête.
- Oui, mais c’est ta fête aussi.
- Ok, c’est notre fête.
- J’ai reçu ton message. Tu veux faire quelque chose ce soir?
- Oui, pourquoi pas? C’est ta fête, alors tu décide ce que l’on fait?
- C’est ta fête à toi aussi…
- C’est moi qui te fête, ce soir.
- Tu viens chez moi et on improvise?
- Ok j’arrive. À tout de suite!
- Bye-bye.

Je prends une douche vite vite. Je mets mes verres de contacts. Une paire de jeans, un t-shirt, une chemise. Je saute sur mon vélo.

Il fait beau. Le soleil m’éclaire, je vis mon trip de vélo comme à chaque fois que je roule. Il y a un vent frais qui me frôle, qui me touche. Je suis bien, il fait beau, ça roule vite. Je roule vers le soleil, sur un terrain urbain bien connu. J’ai 18 ans, je suis sur mon vélo, et il y a quelqu’un qui m’attend au bout du trajet. C’est ça, la liberté, pour moi. Liberté de mes choix, liberté de vivre. Liberté d’être bien.

J’ai un bout de papier un peu froissé à la main. Son adresse y est notée en rouge. Je trouve sa maison pour la première fois. Ce n’est pas trop grand, pas trop petit. Je cogne à la porte avec un petit stress joyeux qui chatouille ma raison.

C’est elle qui ouvre la porte.
- Allo
- Saluuut!
- Hé bonne fête encore!
- (Petit sourire indescriptible de sa part) Toi aussi, encore!
- Non c’est ta fête.
- Ah arrête!
- Ok… Si j’aurais pas été là ce soir, t’aurais fait quoi?
- Je serais allé relaxer à la montagne avec une bonne bouteille de vin.
- Et bien, c’est ça qu’on fait…

On s’est rendu compte qui ni l’un ni l’autre n’avaient d’automobile. Une autre petite coïncidence. Tout les deux parce qu’on ne considère pas que c’est une priorité.

On a pris une marche jusqu’à la SAQ du coin. On a pris une petite demi-heure pour se choisir une bouteille. Une petite demi-heure juste à jaser de goûts et d’odeurs, d’expériences, de vin. On a opté pour un blanc de la région. Et j’ai acheté deux coupes pour l’occasion.

Et on marche sans savoir où l’on va dans chambly. On se parle. On discute. On rie ensemble, on échange des anecdotes, des pensées, des sourires. Et on se rend compte qu’il fait déjà nuit. On est près du fort, et encore plus près de la rivière.

Le son des vagues atteint mes oreilles. La nuit est claire, la lune nous suffit emplement. Elle s’assit au bord de l’eau. Je m’assis auprès d’elle. Elle débouche la bouteille. Je nous en sers deux coupes.

Une coupe de vin à la main. Le regard vers les étoiles, le constant et réconfortant chant des vagues. La bonne odeur d’un vent frais et nocture. L'impression que la nuit ne fait que commencer. Un sentiment de liberté dans cette vie adulte qui commence. Et surtout, l’impression d’être en bonne compagnie. J’ai dix-huit aujourd’hui.
Un billet signé Nicolas

04 juin 2005 à 22:08

Vitesse dans l'obscurité

J'avais trop de choses à oublier. J'avais besoin de me sentir seul un peu, de me sentir avec moi-même. J'avais besoin de relaxer un peu, d'oublier le reste du monde. J'avais besoin de faire le vide, de faire la mise au point avec mes émotions. J'avais besoin de vivre.

Première journée d'été de l'année. Pas la première en fait, mais c'est la première dont je me suis rendu compte. J'ai trop perdu de temps ces deux dernières semaines. Et là j'ai senti un vent chaud, j'ai sauté sur mon vélo. J'attendais juste ça, une belle nuit chaude d'été, pour partir en vélo, pour sentir mon coeur battre.

Je me rappellerai toujours de cette soirée. Elle me regardait avec ce profond regard qui lui est propre. J'étais déstabilisé, un peu dérouté. Mais j'étais bien. J'aurais voulu que ça dure éternellement, j'aurais voulu mourir sous ce regard, pour garder son image pour toujours.

Un besoin trop grand de faire le vide, un besoin trop immense de changer d'air. Je ne regarde pas l'heure avant de partir. Je vais sur la route. Il ne restera que moi, la route et mon vélo, je le sais. Le temps et le monde n'existeront plus. Je sens déjà mon âme vibrer.

Elle m'a fait trembler. Je m'y suis totalement abandonné, je ne voulais vivre que par moi et par elle, je voulais goûter à sa vie et ma vie, à nos vies combinées. Je voulais pouvoir revoir son regard profond pour le reste de ma vie.

Je roule sur Bourgogne. Je slalome entre les autos stationnées des gens qui sont sur les terrasses, et les autos en mouvement des gens qui se cherchent une terrasse. Je respire l'odeur de la ville, je m'y plonge, je m'y concentre. Je sens l'asphalte qui passe sous mes pieds. J'évite les nids de poules, je contourne les piétons. Je roule à toute vitesse. Même les voitures, prisent dans le trafic, ne roulent pas aussi vite que moi. Je prévois tous mes coups de guidon à l'avance. La route est à moi. C'est moi qui en suis devenu le maître. C'est exigent. C'est enivrant. J'aime la ville.

Elle était une fille de ville. Elle avait besoin de sentir l'inconnu du territoire urbain, le sentiment de liberté qui vient avec les possibilités. Elle aimait l'action de la ville, et surtout l'interaction. Les restos, les bars, les clubs. Les gens. Ce n'était pas encore son monde. Et c'est sûrement ce qu'elle aimait de la ville.

Je bifurque sur la piste du canal. Le canal de Chambly, de nuit, c'est pour moi de l'inconnu. Un territoire neuf, moins prévisible. Rapidement, les lumières de la ville deviennent des souvenirs, je tombe dans une nature calme et morte. L'obscurité nocturne m'englobe. L'odeur humide de la végétation m'habite. Je prends un instant pour la respirer entièrement, pour pouvoir en garder le souvenir. J'adore.

On est allé prendre un café une nuit. Pas en ville, mais chez elle. Pour faire changement, pour essayer du neuf. On a parlé, on s'est découvert pour vrai. Son regard s'est fait plus chaleureux, le mien plus amoureux. On a parlé pendant des minutes, des heures peut-être. Je n'en sais rien. Mon regard s'est fait plus amoureux.

J'aime cette route. Le chemin est libre, il n'y a pas trace d'un cycliste autre que moi. L'éclairage lunaire illumine faiblement le canal. La piste est toujours asphaltée, ça roule bien. Le béton reflète bien la lumière. Je ne vois que la lueur de la piste et celle de l'eau de canal. Tout le reste est noir. L'illusion que créent l'odeur et l'image m'ensorcelle. Je roule sans fin sur ma piste sans temps.

Aucun de nous deux n'avaient vu l'heure passé. Vers trois heures du matin, on s'est rendu compte que ça avait duré un peu longtemps pour un café. On s'est dit au revoir, on s'est dit qu'on se rappellerait. J'avais ce sentiment de hâte, d'espoir, de peur et d'incompréhension qui m'habitait. Ce sentiment que certains appellent l'amour. Je suis retourné chez moi pour me coucher. J'ai pensé à elle toute la nuit. À sa voix, ses expressions. Son infini regard. J'avais besoin de la revoir, il me fallait la découvrir un peu plus, la savoir encore plus intime avec moi. C'était toujours elle qui m'avait approché avant, c'est elle qui avait fait les premiers pas. Mais j'allais y mettre du miens, j'allais sentir mon coeur battre.

Je veux sentir l'effort, la vitesse, le vent. C'est pour ça que je fais du vélo. J'augmente rapidement la vitesse. J'augmente la cadence de mes coups de pédale. Je sens mes jambes qui commencent à brûler, mon souffle qui commence à accélérer aussi. Je sens mon coeur qui rebondit de plus en plus vite, je sens la pression du sang dans mes veines. Je sens le vent qui parcoure mon visage, qui déplace mes cheveux. Je sens sa chaleur qui m'enrobe. Je sens trop de choses en même temps. Je trippe.

Encore sous le choc, encore confus, je l'ai appelé deux jours plus tard. Je lui ai dit que j'avais bien aimé notre dernière soirée, je lui ai dit qu'on devait se revoir. Je l'ai invité au resto pour le vendredi soir suivant. Elle m'a répondu qu'elle allait y penser.

Je regarde loin, je roule vite. Je sens que je suis en contrôle de mon vélo. Et tout d'un coup, la piste se change en poussière de roche. Je ralentis sans le vouloir. Je force toujours autant. Mes jambes chauffent autant, ma respiration est toujours aussi haletante, le son de mon coeur toujours aussi présent. Mais le sol vient de changer, mes pneus glissent un peu. Je dérape au ralenti. Mon vélo est un vélo de ville, il n'est pas fait pour ce genre de terrain. J'ai moins de contrôle, je roule moins vite. Mais au moins je roule.

Finalement, elle ne m'a pas rappelé. Je savais que ça voulait dire non. Je savais que ça marquait la fin. J'ai déjà vécu ça avant. Mais, je me suis fait avoir, comme à chaque fois. L'espoir m'a envahit. L'espoir de penser que c'est peut-être à cause d'une autre raison, l'espoir de peut-être avoir un autre rendez-vous. L'espoir de revoir le même regard, de l'oublier moins vite.

Je ne veux plus perdre de vitesse. Je force plus fort. Mes coups de pédales s'intensifient. Mes veines veulent exploser. Mes jambes chauffent encore plus. J'ai envie de crier. Je n'ai pas l'impression d'avoir accéléré. Maudite poussière de roche. Je veux connaître ma vitesse, mais il n'y a pas assez de lumière pour éclairer mon odomètre. Je n'ai aucune idée depuis combien de temps je suis partit, il n'y a pas assez de lumière pour éclairer ma montre. Je sais d'expérience que ça ne donne rien de pédaler plus vite sur de la poussière de roche. Ça ne fait que glisser plus. Mais il fait trop noir, je ne peux pas vraiment savoir ma vitesse.

J'ai hésité pendant je-ne-sais-pas-combien-de-temps avant de la rappeler. Je ne savais plus où j'en étais. Mais je l'ai fait, parce que ça ne pouvait pas être pire. Je n'avais aucune idée si je devais lui parler de mon offre pour le vendredi d'avant ou pas, je n'avais aucune idée de ce que j'avais à lui dire. Je n'avais aucune idée pourquoi je la rappelais.

Le canal est sombre. Je me demande pourquoi je n'y vois pas le reflet des étoiles. Je lève ma tête au ciel. Le ciel est nuageux, on n'y décerne pas un point blanc. Même la lune n'est qu’une aura. Ça doit être un trajet très beau par nuit claire. Mais cette nuit, je roule dans la noirceur. Je ne roule pas pour le paysage, je roule pour moi, pour sentir que j'existe.

Bien sur, elle n'était pas là. Ou elle n'a pas répondu. Je suis tombé sur le répondeur. J'ai fait mon possible pour que ma voix ne tremble pas, pour que le sentiment de parler seul ne me touche pas trop. Je lui ai laissé un petit message pour lui dire de me rappeler, de me faire signe.

Je me rends compte qu'il y a une route asphaltée de l'autre côté du canal. Le béton reflète bien la lumière, c'est pour ça que j'ai bien pu la remarquer. Il n'y a pas une auto qui a l'air de l'emprunter, par contre. Mais j'aimerais ça être de l'autre côté. La poussière de roche me donne l'impression de forcer pour rien.

Elle m'a rappelé la journée même. Elle s'est excusée pour le vendredi soir, elle m'a dit qu'elle était vraiment déçue. Ça m'a fait sourire.

De la lumière éclaire légèrement la route devant moi. Je souris. Un peu de lumière, enfin. Je me retourne. C'est une voiture qui m'éclaire, de l'autre côté du canal. Je pensais rouler vite. Elle, elle roule! Et je suis déjà dépassé. Je ne peux que continuer de rouler à ma vitesse, en ne me contentant que de moi et de mon vélo.

Elle m'a raconté qu'elle était très occupée. Et elle m'a confié que c'est parce qu'elle avait rencontré un gars, ce vendredi là. Elle m'e l'a décrit comme un bon gars, gentil, un peu plus âgé, brillant et drôle. J'ai fait à semblant de comprendre. Et puis je me suis trouvé une excuse pour raccrocher.

C'est drôle. J'ai l'impression de faire du surplace depuis que la voiture m'a dépassée. Et en plus, il y a la poussière de roche de mon côté du canal. Mais je continue de pédaler. Il n'y a que ça à faire.

J'avais trop de choses à oublier. J'avais besoin de me sentir seul un peu, de me sentir avec moi-même. J'avais besoin de relaxer un peu, d'oublier le reste du monde. J'avais besoin de faire le vide, de faire la mise au point avec mes émotions. J'avais besoin de vivre. J'ai senti un vent chaud, et j'ai sauté sur mon vélo.

Je roule, je me concentre, j'oublie et je me rappelle. Ça fait du bien. Je sens la chaleur de l'été, je sens mon coeur qui bat. Je sens mon âme qui vibre. Je sens la liberté. Je me sens bien. Je sens le vent qui parcourt mon visage, qui déplace mes cheveux. Je sens mes jambes qui brûlent. Je crie de toutes mes forces. Je pousse encore plus fort. Et j'avance un peu plus vite. J'aime le vélo.
Un billet signé Nicolas

01 juin 2005 à 14:07

Le respect avec un petit r

On vous l'a répeté mille fois. Vous allez encore l'entendre mille fois. Le Respect est important. Le Respect avec un grand R.
Je vais vous entretenir du respect avec un petit r. Le respect quotidien, le respect légitime, le respect qui peut être à la base d'une société heureuse.
Je ne veux pas vous imposer ma vision. Je ne veux pas vous donner une leçon. Je ne veux pas me donner en exemple, parce que j'ai, moi aussi, déjà fallit.
Si j'écris ce texte, c'est parce que je ne peux pas en faire le récit. Le seul ton de ma voix pourrait amener à insinuer quelque chose qui irait à l'encontre même de ce respect.
Je parle ici de laisser une chance. De toujours laisser une chance.
Je n'ai presque rien contre les jugements trop rapide. Je n'ai rien contre les jugements réfléchis. Je n'ai rien contre l'expression de ces jugements, contre les critiques constructives. Mais de grâce, soyez discret!
À quoi sert de partager ses jugements avec d'autres? À quoi sert d'influencer le jugement d'autrui, sous le prétexte de la confiance? On peut détester quelqu'un. On peut donner les faits. Mais de grâce, gardez votre opinion pour vous. Gardez là jusqu'à ce que l'autre personne sache que ce jugement n'est que personnel.
Comment, d'après-vous, est né l'antisémitiste? Comment, d'après vous, les jeunes de la polytechnique en sont venu à un point assez désespéré pour avoir fait le massacre qu'ils ont fait? Pourquoi, d'après-vous, des jeunes dépressifs croient qu'ils n'ont plus aucune façon de s'en sortir au point de s'appliquent eux même la solution finale?
Je veux vous entretenir du respect avec un petit r. Le respect quotidien, le respect légitime, le respect qui peut être à la base d'une société heureuse. Pas une loi à suivre à tout prix. Il est important d'informer et d'être informé, dans une société. Mais l'intolérance ou la haine personnelle doivent-elles être partagés? Est-il vraiment nécessaire de crier au monde que telle ou telle caractéristique d'un individu nous tappe sur les nerfs?
Et je ne vous propose pas une idéologie utopique qui nécessite la participation de tous les être humains pour fonctionner. Je ne vous chante pas Imagine de John Lennon. Je ne cherche pas à sauver la planète. Je vous livre mon idéologie toute simple du respect au quotidien.
Le respect avec un petit r, le respect qui peut donner de l'espoir.
Un billet signé Nicolas