Non c'est ta fête
Aujourd’hui, c’est le 7 juin 2005. Il y a exactement dix-huit ans, c’était le 7 juin 1987. Vous auriez pu le calculer vous-même, je le sais. Mais ce 7 juin 1987, je suis né. Et elle aussi.
On s’est rencontré il y a deux mois tout au plus, à l’épicerie où je travaille. On a vécu des petits moments, des petites coïncidences. Des petits moments comme des sourires, et des petites coïncidences comme quand on s’est rendu compte qu’on est né la même date.
Trop gêné pour l’appeler, je lui ai laissé un courriel. C’est moi ça. J’ai son numéro, et quand elle me l’a donné, elle m’a dit qu’on pourrait aller prendre un café, un de ces jours. Mais, j’ai peur, je sais pas pourquoi. J'ai peur de manger un autre non en pleine face. J’ai peur d’avoir mal.
Je n’ai pas assez confiance en moi. Si je l’aurais appelé, au moins j’aurais eu une réponse. Mais non, je suis là, chez moi, à travailler sur mes travaux de fin de session. J’écris sans rien dire, j’écris des mots pour mes professeurs, des mots pour leur faire plaisir à eux plus qu’à moi. J’écris des propos qui ne m’appartiennent pas. J’aimerais faire n’importe quoi sauf ça. J’ai dix-huit ans aujourd’hui. Ça va être ça, ma vie d’adulte. Le travail et les responsabilités.
En bas à droite de mon écran, l’ordinateur m’indique qu’il est 18h17. Je fais du surplace dans mes travaux, parce que je suis ailleurs dans ma tête. Je pense à des petits moments, des petites coïncidences. Il est 18h33.
Le téléphone sonne. Je le laisse sonner deux coups, par paresse. Par ennui. Ça doit être ma mère qui veut me souhaiter bonne fête, mais elle me sort de mes pensées. C’est gentil de sa part. Mais ça ne me tente pas. C’est plus beau dans ma tête, c’est plus beau dans mes souvenirs. C’est plus beau dans mes petits moments, dans mes petits sourires. J’ai pas le goût de me faire rappeler que j’ai dix-huit ans aujourd’hui et que je fais du sur-place devant une demi page d’un projet quelconque pour l’école.
Je réponds à la moitié du troisième coup, par habitude. Par ennui aussi. Je me force pour mettre un minimum d’intérêt dans ma voix.
- Oui allo?
- Salut, me fait une voix féminine en allongeant le son « u ».
Je reconnais la voix. C’est sa voix, la voix de l’étudiante qui lisait Nietzche. On dirait que la vie m’envoie une bonne nouvelle.
- Ça va bien?
- Oui!
Elle me sourit de sa petite voix, je l’entends. Je souris de ma propre voix aussi, je crois. Un autre petit moment.
- Hé, t’es majeure enfin! Bonne fête.
- Ouais… toi aussi!
- Non, aujourd’hui c’est ta fête.
- Oui, mais c’est ta fête aussi.
- Ok, c’est notre fête.
- J’ai reçu ton message. Tu veux faire quelque chose ce soir?
- Oui, pourquoi pas? C’est ta fête, alors tu décide ce que l’on fait?
- C’est ta fête à toi aussi…
- C’est moi qui te fête, ce soir.
- Tu viens chez moi et on improvise?
- Ok j’arrive. À tout de suite!
- Bye-bye.
Je prends une douche vite vite. Je mets mes verres de contacts. Une paire de jeans, un t-shirt, une chemise. Je saute sur mon vélo.
Il fait beau. Le soleil m’éclaire, je vis mon trip de vélo comme à chaque fois que je roule. Il y a un vent frais qui me frôle, qui me touche. Je suis bien, il fait beau, ça roule vite. Je roule vers le soleil, sur un terrain urbain bien connu. J’ai 18 ans, je suis sur mon vélo, et il y a quelqu’un qui m’attend au bout du trajet. C’est ça, la liberté, pour moi. Liberté de mes choix, liberté de vivre. Liberté d’être bien.
J’ai un bout de papier un peu froissé à la main. Son adresse y est notée en rouge. Je trouve sa maison pour la première fois. Ce n’est pas trop grand, pas trop petit. Je cogne à la porte avec un petit stress joyeux qui chatouille ma raison.
C’est elle qui ouvre la porte.
- Allo
- Saluuut!
- Hé bonne fête encore!
- (Petit sourire indescriptible de sa part) Toi aussi, encore!
- Non c’est ta fête.
- Ah arrête!
- Ok… Si j’aurais pas été là ce soir, t’aurais fait quoi?
- Je serais allé relaxer à la montagne avec une bonne bouteille de vin.
- Et bien, c’est ça qu’on fait…
On s’est rendu compte qui ni l’un ni l’autre n’avaient d’automobile. Une autre petite coïncidence. Tout les deux parce qu’on ne considère pas que c’est une priorité.
On a pris une marche jusqu’à la SAQ du coin. On a pris une petite demi-heure pour se choisir une bouteille. Une petite demi-heure juste à jaser de goûts et d’odeurs, d’expériences, de vin. On a opté pour un blanc de la région. Et j’ai acheté deux coupes pour l’occasion.
Et on marche sans savoir où l’on va dans chambly. On se parle. On discute. On rie ensemble, on échange des anecdotes, des pensées, des sourires. Et on se rend compte qu’il fait déjà nuit. On est près du fort, et encore plus près de la rivière.
Le son des vagues atteint mes oreilles. La nuit est claire, la lune nous suffit emplement. Elle s’assit au bord de l’eau. Je m’assis auprès d’elle. Elle débouche la bouteille. Je nous en sers deux coupes.
Une coupe de vin à la main. Le regard vers les étoiles, le constant et réconfortant chant des vagues. La bonne odeur d’un vent frais et nocture. L'impression que la nuit ne fait que commencer. Un sentiment de liberté dans cette vie adulte qui commence. Et surtout, l’impression d’être en bonne compagnie. J’ai dix-huit aujourd’hui.
On s’est rencontré il y a deux mois tout au plus, à l’épicerie où je travaille. On a vécu des petits moments, des petites coïncidences. Des petits moments comme des sourires, et des petites coïncidences comme quand on s’est rendu compte qu’on est né la même date.
Trop gêné pour l’appeler, je lui ai laissé un courriel. C’est moi ça. J’ai son numéro, et quand elle me l’a donné, elle m’a dit qu’on pourrait aller prendre un café, un de ces jours. Mais, j’ai peur, je sais pas pourquoi. J'ai peur de manger un autre non en pleine face. J’ai peur d’avoir mal.
Je n’ai pas assez confiance en moi. Si je l’aurais appelé, au moins j’aurais eu une réponse. Mais non, je suis là, chez moi, à travailler sur mes travaux de fin de session. J’écris sans rien dire, j’écris des mots pour mes professeurs, des mots pour leur faire plaisir à eux plus qu’à moi. J’écris des propos qui ne m’appartiennent pas. J’aimerais faire n’importe quoi sauf ça. J’ai dix-huit ans aujourd’hui. Ça va être ça, ma vie d’adulte. Le travail et les responsabilités.
En bas à droite de mon écran, l’ordinateur m’indique qu’il est 18h17. Je fais du surplace dans mes travaux, parce que je suis ailleurs dans ma tête. Je pense à des petits moments, des petites coïncidences. Il est 18h33.
Le téléphone sonne. Je le laisse sonner deux coups, par paresse. Par ennui. Ça doit être ma mère qui veut me souhaiter bonne fête, mais elle me sort de mes pensées. C’est gentil de sa part. Mais ça ne me tente pas. C’est plus beau dans ma tête, c’est plus beau dans mes souvenirs. C’est plus beau dans mes petits moments, dans mes petits sourires. J’ai pas le goût de me faire rappeler que j’ai dix-huit ans aujourd’hui et que je fais du sur-place devant une demi page d’un projet quelconque pour l’école.
Je réponds à la moitié du troisième coup, par habitude. Par ennui aussi. Je me force pour mettre un minimum d’intérêt dans ma voix.
- Oui allo?
- Salut, me fait une voix féminine en allongeant le son « u ».
Je reconnais la voix. C’est sa voix, la voix de l’étudiante qui lisait Nietzche. On dirait que la vie m’envoie une bonne nouvelle.
- Ça va bien?
- Oui!
Elle me sourit de sa petite voix, je l’entends. Je souris de ma propre voix aussi, je crois. Un autre petit moment.
- Hé, t’es majeure enfin! Bonne fête.
- Ouais… toi aussi!
- Non, aujourd’hui c’est ta fête.
- Oui, mais c’est ta fête aussi.
- Ok, c’est notre fête.
- J’ai reçu ton message. Tu veux faire quelque chose ce soir?
- Oui, pourquoi pas? C’est ta fête, alors tu décide ce que l’on fait?
- C’est ta fête à toi aussi…
- C’est moi qui te fête, ce soir.
- Tu viens chez moi et on improvise?
- Ok j’arrive. À tout de suite!
- Bye-bye.
Je prends une douche vite vite. Je mets mes verres de contacts. Une paire de jeans, un t-shirt, une chemise. Je saute sur mon vélo.
Il fait beau. Le soleil m’éclaire, je vis mon trip de vélo comme à chaque fois que je roule. Il y a un vent frais qui me frôle, qui me touche. Je suis bien, il fait beau, ça roule vite. Je roule vers le soleil, sur un terrain urbain bien connu. J’ai 18 ans, je suis sur mon vélo, et il y a quelqu’un qui m’attend au bout du trajet. C’est ça, la liberté, pour moi. Liberté de mes choix, liberté de vivre. Liberté d’être bien.
J’ai un bout de papier un peu froissé à la main. Son adresse y est notée en rouge. Je trouve sa maison pour la première fois. Ce n’est pas trop grand, pas trop petit. Je cogne à la porte avec un petit stress joyeux qui chatouille ma raison.
C’est elle qui ouvre la porte.
- Allo
- Saluuut!
- Hé bonne fête encore!
- (Petit sourire indescriptible de sa part) Toi aussi, encore!
- Non c’est ta fête.
- Ah arrête!
- Ok… Si j’aurais pas été là ce soir, t’aurais fait quoi?
- Je serais allé relaxer à la montagne avec une bonne bouteille de vin.
- Et bien, c’est ça qu’on fait…
On s’est rendu compte qui ni l’un ni l’autre n’avaient d’automobile. Une autre petite coïncidence. Tout les deux parce qu’on ne considère pas que c’est une priorité.
On a pris une marche jusqu’à la SAQ du coin. On a pris une petite demi-heure pour se choisir une bouteille. Une petite demi-heure juste à jaser de goûts et d’odeurs, d’expériences, de vin. On a opté pour un blanc de la région. Et j’ai acheté deux coupes pour l’occasion.
Et on marche sans savoir où l’on va dans chambly. On se parle. On discute. On rie ensemble, on échange des anecdotes, des pensées, des sourires. Et on se rend compte qu’il fait déjà nuit. On est près du fort, et encore plus près de la rivière.
Le son des vagues atteint mes oreilles. La nuit est claire, la lune nous suffit emplement. Elle s’assit au bord de l’eau. Je m’assis auprès d’elle. Elle débouche la bouteille. Je nous en sers deux coupes.
Une coupe de vin à la main. Le regard vers les étoiles, le constant et réconfortant chant des vagues. La bonne odeur d’un vent frais et nocture. L'impression que la nuit ne fait que commencer. Un sentiment de liberté dans cette vie adulte qui commence. Et surtout, l’impression d’être en bonne compagnie. J’ai dix-huit aujourd’hui.
Un billet signé Nicolas
3 manifestation(s):
En fait, c'était une fiction.
Mais oui, c'est un bel endroit, et je m'y suis très bien imaginé aussi.
Pour un texte maladroit, c'est tout un texte!
Que de talent, Nicolas!
Salut Nicolas,
Je suis au regret de t'annoncer que je fais partie de ces quelques bébés qui sont nés le même jour que toi...
Amicalement,
Lucas.
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