17 janvier 2006 à 21:13

Chute

Tel que lu au Vices et Versa, aux lundi du conte.

On dit tomber en amour. On dit pas qu'on monte ou qu'on grimpe. Non, tomber. Par en bas.
T'es des milliards de kilomètres dans les airs. Tu voles, ça va bien. Tu voles, la vie est belle. T'es heureux.

Toujours la tête dans les nuages, du haut de ton ciel, à rêver à un peu plus beau, à un peu mieux. T'es heureux, t'es patient. T'attends... T'attends que la vie soit juste plus belle. T'es bien, du haut de tes milliards de kilomètres.

Pis un moment donné, l'inévitable arrive. Il y a une femme qui se pointe. Tu sais pas trop quoi en penser, tu sais pas trop ce qu'il se passe, mais en dedans de toi ya quelque chose qui a changé, on dirait.

T'as rencontré une femme, t'es en amour. Tu deviens un homme. Un homme ça a deux bras, deux jambes pis des fois une tête. Mais ça a pas d'ailes. Tu voles pu, t'es un homme, t'as pas d'ailes. Tu tombes, de tes milliards de kilomètres dans les airs. C'est comme faire du saut en parachute dans l'espace, comme faire du bungee pas de corde dans le vide.

Au début, c'est l'fun. Tu plonges, en chute libre. La tête en premier, le vent dans la face pis dans les cheveux. Il y a de l'air frais qui parcourt ton visage, un sentiment d'accélération fou, ça va vite, t'es innarêtable, tu trippes.

Ça va de plus en plus vite, t'as un peu peur, un peu le vertige, mais c'est tout. T'adores ça. Sensation forte. Ton coeur bat à la vitesse de la lumière, t'es en chute libre dans le vide, t'as l'impression que t'es libre pis que rien peut t'arrêter. T'es content de tomber, tu te sens vivre enfin, tu sens tout ton corps qui vibre un peu. Interminable plongeon. Des milliards de kilomètres. T'es en vie!

Pis un moment donné tu te retournes. Tu regardes en haut, la femme, l'inévitable femme de tantôt, elle est restée en haut, elle vole toujours. Les anges restent en haut. Pis toi, tu tombes comme un osti de cave.

Tout d'un coup tu trouves pu ça le fun tomber. Ça va toujours plus vite, ça arrête pu, tellement que la femme est hors de ta vue, pis tu te ramasses tout seul, dans le vide, sans point de repère, à tomber. Pis là, tu commences à avoir peur pour vrai, là tu voudrais remonter en haut. Mais tu peux pas, t'es un homme. Tu tombes. T'as pas d'ailes, pis tu commences à te demander si t'as vraiment une tête.

Fack t'essaie de voler quand même. Tu bas des bras, en imitant un oiseau. Ça donne rien, à part que t'as l'air un peu plus con, à part que tu constate un peu plus l'ampleur de ton désespoir, de ton impuissance. Tu peux rien faire, tu tombes, comme un homme tombe en amour, tu peux rien faire.

Fack il reste juste à attendre.
Pis un moment donné, tu vois de quoi que t'as jamais vu avant. Une surface. De la terre. Un espèce de fond. Tu volais avant, mais t'es tombé en amour. Ça fait une coupe de milliards de kilomètres que tu tombes, pis là tu vas toucher le fond, tu le sais que c'est fini. L'impact va être mortel, la vitesse est exponentielle en chute libre, et tu tombes de quelques milliards de kilomètre. Ça va te tuer. Fack tu serres les dents, tu fermes les yeux, pis t'attends de disparaître. Parce qu'un homme ça disparaît en silence.

Pis tu t'écrases, violement, dans un gros bruit sourd mélangé avec des sons de craquements d'os. T'es un restant de cadavre sur le sol, t'es un fossile déjà, t'es un homme qui a touché le fond. Tu penses que t'es mort.

Pis là, tu te rencontre qui si tu penses que t'es mort, c'est parce que tu penses. Pis si tu penses, ben ça veut dire que t'es pas mort. Mais tu souffres.

Tu viens de te tapper une chute de quelques milliards de kilomètre, tu t'es fracassé contre le sol, t'arrives même pas à trouver les sacres que ça prend pour crier ta douleur.

T'es un hommes, t'es tombé en amour, t'as touché le fond pis t'as mal comme jamais. Mais t'es un homme, faut que tu te relèves. Parce que t'as survécu à ta chute, mais c'est pas en restant à terre que tu vas recommencer à vivre.

Au début, tu veux pas, tes os sont en poussière, tes ligaments sont en miettes, juste respirer ça te fait mal. Pis quelques jours plus tard, tu décides que tu lèves debout. T'es un homme, pis un homme ça se tient debout.

Fack tu remets sur tes deux jambes, même si ça craque d'un bruit impossible, même si la douleur de chaque mouvement te fait regretter de pas être mort quand t'as touché le fond.
Là tu vois un escalier, pis logiquement, tu sais que ça remonte en haut. Pis tu sais que t'es tombé de trop haut, de plusieurs milliards de kilomètres, fack ça fait plusieurs centaines de milliers de millards de marches à grimper.

Juste tenir deboute, ça te fait mal, mais t'es un homme, tu vas les remonter tes trillions de marches. Même si à chaque pas tu te dis que c'est une douleur inhumaine, même si à chaque mouvement ta seule pensée c'est le moment où ça te fera pu mal, il y a une petite voix en dedans qui te dit qu'il faut que tu le fasse, il y a encore un minimum de force pis de courage, au fond de ton être.

T'as pris la débarque de ta vie, t'as touché le fond. Mais t'es homme, fack tu vas remonter en haut pour montrer que t'es encore en vie. Pis maintenant que tu l'as déjà fait une fois, tu te dis que, une fois en haut, tu vas peut-être te repitcher en bas, juste pour le fun.
Un billet signé Nicolas

5 manifestation(s):

Un commentaire de Blogger Mandoline...

C'est intéressant ton conte, bien que ça rappelle des mauvais souvenirs :-(

Mais sincèrement, tu penses vraiment que les gars sont prédestinés à souffrir en silence, du moins plus que les filles? Pas convaincue moi! Peut-être que je me trompe, mais j'ai toujours pensé que le coeur des gars était un peu plus solide que le nôtre...

7:15 p.m., janvier 18, 2006  
Un commentaire de Anonymous Anonyme...

Ah si seulement il y avait un ascenseur, tout serait plus facile, il n'y aurait qu'à se laisser monter.

Mandoline, je crois que tu dois laisser de côté ces vieux préjugés selon lesquels, un homme c'est fait fort, ça pleure pas. Vois-tu nous sommes dans une ère emo et maintenant, chose inquiétante: les hommes ont des sentiments et n'ont pas peur de les montrer.

Je crois que la seule chose qui sépare encore les mâles et females humains en terme d'émotivité, c'est que les gars pleurent de façon plus rationnelle avec des motifs, tandis que les girls pleurent plus par panique, comme moyen de défense du système, action-réaction.

Mais j'avance ça comme ça, moi aussi peut-être que je me trompe, même si je suis pas humaine.

7:37 p.m., janvier 18, 2006  
Un commentaire de Blogger Mandoline...

Crazy little thing, je ne sais pas où est-ce que tu as lu dans mon commentaire que j'avais des préjugés selon lesquels un homme ne pleure pas.

Ce que j'essayais de dire, c'est que je ne crois PAS que les hommes sont prédestinés à souffrir en silence, dans leur coin, sans montrer à personne qu'ils souffrent. Justement, aujourd'hui les sentiments des hommes sont beaucoup plus acceptés par la société. Leur peine ou leur tristesse sont de plus en plus validées et comprises.

En passant je ne pleure pas par panique...

8:29 p.m., janvier 19, 2006  
Un commentaire de Anonymous Anonyme...

Je pense pas que le fait d'avoir un pénis change notre façon de pleurer... Malgré que, ça serait une expérience sensorielle à essayer. Quelqu'un a un strap-on?

Désolé Nic, de dire des cochoncetés sur ton blog. Glou, je retourne dans ma cage.

3:29 p.m., janvier 26, 2006  
Un commentaire de Blogger LaFreak...

Wow je suis sans mots.

12:02 a.m., février 02, 2006  

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