15 décembre 2005 à 11:41

Monsieur A.

- Aujourd'hui, nous avons un nouveau membre, Monsieur A. Acceuillez-le, groupe.
La douzaine de vestons cravates répondirent en coeur à la demande Josée, la petite dame aux cheveux grisonnants qui animait le groupe.
- Bonjooour Mooonsieeeur Aaaaa!
- Très bien groupe, félicita Josée. Maintenant, Monsieur A., expliquez pourquoi vous êtes venu aux Messieurs Anonymes.

En regardant le sol, d'un air timide, Monsieur A. commença son discourt, sous l'écoute attentive des vestons cravates, qui toutefois ne le regardaient pas dans les yeux :
- Comme vous l'a dit Josée, je m'appelle Monsieur, mais mes employés m'appellent Monsieur A. Moi ça a commencé durant mon enfance. J'étais un fils de bourgeois, et très tôt ma mère s'est mise à me lire des histoires. J'ai donc très vite appris à aimer lire. Et à aimer consommer. Quand je suis arrivé à l'école, je n'avais pas beaucoup d'amis. En fait, je n'en avais pas. J'étais un fils de bourgois intellectuel, c'est pour ça. Alors je lisais des livres. Et, par conséquent, j'achetais des livres. Au début, je lisais de la science fiction et des romans policiers. Mais avec le temps, je m'intéressai aux romans plus poussés. Des fables au début. Puis des essais et des thèses philosophiques. J'ai compris rapidement, par mes livres et mes réflexions, que le bonheur n'est pas dans l'argent ni dans le pouvoir, ni même dans l'amour. J'ai compris qu'il était dans le contact avec autrui et dans l'acceptation de soi-même. Mais je n'avais pas d'amis, alors j'achetais toujours plus de livres. Vers seize ans, pour financer mes lectures, je me suis trouvé un emploi dans une librairie. Je détestai mon patron, un certain Monsieur Audet. Il faisais des avances aux adolescentes qui travaillaient pour lui, et le soir, il cruisait des filles dans des bars en sortant son fric. Et le pire, c'est qu'il se croyait supérieur aux autres, juste parce qu'il était riche.

Monsieur A. arrêta de parler en serrant les dents. Josée reprit parole.
- Monsieur A., ici c'est les Messieurs Anonymes, vous pouvez vous fâcher si vous voulez.
- D'accord.
- Monsieur A., j'ai dit vous fâcher, pas approuver.
- Oui oui, madame.
- Monsieur A., fâchez vous!
- D'accord, d'accord, calmez-vous.
Soudainement, Josée sembla rajeunir de vingt ans :
- Mon osti, pète-là ta coche. Pète-là tout suite sinon j'te fous dehors criss. C'est ça que tu veux tabarnak? Tu veux que je te laisse dehors malheureux pour toujours tabarnak?

Monsieur A. prit deux profonde respiration avec un air un peu maniaque, et il commença à pleureur et crier un monologue confus:
- Pis là, asteur, c'est moi le boss! J'ai pas d'amis, pas de blonde, les seules filles que j'arrive à me pogner c'est mes employées de 17 ans ou des putes qui voient que je suis riche. Je suis un libraire! Je suis un nerd out! Quand je regarde mes employés de 16 ans qui sont plus heureux que moi, je les sacre dehors juste parce qu'ils me font chier! Personne m'aime, je suis un libraire, personne veut d'un libraire, pis je peux rien y faire! Chu tanné tabarnak. Chu rien.

Et puis il s'effondra en pleurs. Josée, redevenue la petite madame conciliante, le félicita :
- Bravo, Monsieur A. Vous voyez, vous avez une personnalité, au fond. Vous êtes acceptés chez les Messieurs Anonymes. Maintenant groupe, nous allons poursuivre la rencontre...
Un billet signé Nicolas

2 manifestation(s):

Un commentaire de Anonymous Anonyme...

Celle-là, elle est très bonne.

Très bon texte Nicolas :)

5:37 p.m., décembre 15, 2005  
Un commentaire de Blogger Mamathilde...

Je suis pas mal en retard dans les commentaires mais ouffffff! J'ai adorée l'histoire. :)

7:57 p.m., décembre 28, 2005  

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